Le chef de l’Etat a inauguré vendredi matin à Drancy le Mémorial de la Shoah, un « lieu de la mémoire nationale ».
« Il ne s’agit plus d’accuser. La justice est passée. Ou est arrivée trop tard. Il ne s’agit plus d’établir la vérité : nous la connaissons, nous en savons l’horreur. Il s’agit de transmettre. »
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
En inaugurant vendredi matin le Mémorial de la Shoah à Drancy, d’où 63.000 juifs ont été déportés vers les camps d’extermination pendant l’Occupation, François Hollande a voulu s’attacher à définir le devenir du devoir de mémoire.
Le chef de l’Etat est arrivé en milieu de matinée devant le Mémorial, un bâtiment de béton aux larges baies vitrées, situé juste à côté de la cité de la Muette, où subsiste au pied des bâtiments un des wagons plombés utilisés pour la déportation. Les immeubles n’ont pas changé depuis la guerre, quelques fenêtres ont été changées et on continue de découvrir les graffitis des internés. François Hollande a été accueilli par des enfants des écoles, qui ont entonné la Marseillaise. « Vous l’avez bien chantée, sans une seule faute. Si tous les Français la savaient comme vous… », leur dit-il. Une dizaine d’entre eux sont des lauréats du concours de la Résistance et de la Déportation. « Vous devez absolument continuer à parler aux survivants et ensuite transmettre à d’autres », leur explique François Hollande, qui consacre ensuite l’essentiel de son discours à cette thématique de la transmission.
Le président confie son « émotion » de se trouver là « au milieu de rares survivants, des familles, des enfants » pour évoquer « un crime abominable ».
« Six millions de juifs – près des trois quarts des juifs d’Europe – ont été assassinés par les nazis. 76 000 d’entre eux venaient de France. Parmi ceux-ci, 63 000 ont été déportés depuis le camp de Drancy. De tous âges, de toutes origines, de toutes nationalités, de toutes conditions sociales, ils n’avaient qu’un point commun, ils n’allaient être frappés que pour une seule raison : ils étaient juifs. Cela suffisait pour qu’on les envoie à la mort. Drancy était la dernière étape avant l’enfer des wagons à bestiaux et des camps d’extermination. Drancy, c’était la porte de l’enfer. »
Il raconte ces « milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, entassés, parqués, martyrisés pendant des jours et des nuits ». « Sans recours, affrontant la peur, la faim, l’angoisse sur l’issue finale, déracinés de leur passé, arrachés aux promesses de leur avenir, ils attendaient. Ils ne savaient pas tous que la mort était au bout de leur épreuve. Puisque nous nous savons, nous leur devons la fidélité du souvenir », souligne-t-il.
« Ce lieu est le lieu d’un crime et est un lieu de la mémoire nationale », insiste François Hollande, qui rappelle ensuite le long travail accompli avant la reconnaissance de Drancy comme lieu de mémoire. « La cité de la Muette était avant la guerre un ensemble de logements sociaux. Après 1945, elle est redevenue un lieu de vie ordinaire. Comme si rien ne s’était passé. Il a fallu du temps pour que la mémoire y trouve sa place, pour qu’elle impose enfin sa présence », dit-il en évoquant la pose d’un premier monument commémoratif, en 1976, et l’installation du « wagon du souvenir », en 1988.
« Leur évocation rappelle l’outrage à la France que fut la collaboration. Drancy a été gardé par des gendarmes français et géré par des fonctionnaires français. Les enfants amenés ici de Pithiviers et de Beaune la Rolande avaient été arrêtés par des policiers français », poursuit François Hollande.
« C’est l’esprit de ce mémorial. La transmission : c’est là réside l’avenir de la mémoire. Je m’adresse en particulier aux plus jeunes d’entre nous, aux élèves de nos écoles, aux enfants présents ici ce matin. L’enjeu est qu’avec eux la chaîne du souvenir ne s’interrompe pas. Le moment, hélas, approche où le temps aura eu raison de l’énergie des survivants. C’est pourquoi les leçons de ce qu’ils ont vécu doivent former l’esprit des générations à venir. »
« Lutter contre l’obscurantisme, la haine, le fanatisme »
Cherchant à expliquer « l’inexplicable », François Hollande cite « l’esprit de soumission » qui était à l’œuvre selon lui dans la France de Vichy. Il dénonce aussi l’antisémitisme.
« Tout propos, tout acte à caractère antisémite ou raciste est inacceptable. L’obligation d’une vigilance sans faille, le devoir de ne rien admettre de ce qui n’est pas admissible, tel est le premier enseignement de Drancy. »
Appelant à « lutter contre l’obscurantisme, la haine, le fanatisme », François Hollande lance : « La République ne cèdera jamais sur ses valeurs ». « La démocratie doit être fière de ses valeurs. Elle doit aussi les défendre, lorsque c’est nécessaire », ajoute-t-il.
« Tout ce qui oppose et divise est maladroit »
« Des forces sont à l’œuvre, dans le monde, contre les droits de l’Homme ; elles n’ont plus le même visage qu’hier, mais elles ont le même dessein. Elles placent toujours l’antisémitisme, la haine de l’autre, au centre de leurs obsessions. Et elles veulent abattre cet édifice de tolérance et de raison que les Lumières nous ont légué. Nous ne les laisserons pas faire. Enfants de France, ne cédez jamais à ces passions. La liberté ne souffre aucune négligence, aucun abandon. Tel est l’appel de Drancy, faire que de la souffrance naisse une vigilance, la nôtre, et que de cette vigilance naisse une espérance, celle toujours inachevée, celle de la République et de l’égalité. »
Interrogé sur les propos de Marine Le Pen, qui a déclaré que le port du voile et de la kippa dans la rue devait être interdit, François Hollande répond brièvement avant de quitter le Mémorial : « Tout ce qui déchire, oppose, divise est maladroit et donc nous devons appliquer les règles. Les seules règles que nous connaissons, ce sont les règles de la République et de la laïcité. »
Plusieurs personnalités de la communauté juive mais aussi l’imam de Drancy et le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, ont assisté à la cérémonie.
{"type":"Banniere-Basse"}