La vie d’une petite bergère afghane, entre crudité et fantastique.
Malgré l’impression documentaire qu’elle dégage, cette chronique de la vie d’une petite bergère dans un hameau afghan est une pure fiction, tournée au Tadjikistan avec une équipe européenne et des comédiens non professionnels venus de l’Afghanistan voisin. L’essentiel, dans ce film aux allures archaïques voire ethnographiques, ne réside pas dans un éventuel réalisme mais dans le rapport émotionnel et onirique de la réalisatrice avec son matériau.
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Tourné essentiellement du point de vue des enfants, et surtout de la bergère, Sediqa, rejetée du groupe à cause de ses problèmes de vue, le film est sans fioritures, mettant l’accent sur les mentalités brusques voire brutales au sein de cette communauté. Il illustre en même temps l’imaginaire de Sediqa, à la tonalité fantasmatique. Cela rejoint étrangement, par d’autres moyens, le propos d’un film français également situé en Afghanistan, Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore, au contexte et au climat (surnaturel) assez proches.
Les rêves ou projections mentales de la fillette ayant trait à une fable sur un loup anthropoïde (un Petit Chaperon rouge afghan), fil directeur et clé de cette histoire, donnent lieu à de saisissantes visions nocturnes dans le désert pierreux.
Ce film malmène l’image d’Epinal des paysans archaïques
Les unes avec un loup, les autres avec une femme, sorte d’avatar du loup qui, lors de sa première apparition surréelle, évoque une extraterrestre. L’irruption d’une imagerie presque SF projette illico ce film traditionaliste dans la modernité ; cela fait en tout cas éclater les limites de la digne chronique post-tiersmondiste.
C’est que pour Shahrbanoo Sadat, il s’agit moins d’exprimer son identité ethnique que d’affirmer son moi artistique. On remarque en passant qu’elle est sûrement la première cinéaste de la sphère musulmane à avoir filmé frontalement une femme nue (deuxième apparence de “l’extraterrestre”). Tout ceci pour dire à quel point ce film malmène l’image d’Epinal des paysans archaïques, avec ses fantasmes lycanthropiques et ses insultes.
Wolf and Sheep de Shahrbanoo Sadat (Afg., Dan., Fr., Suè., 2016, 1 h 26)
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