Réalisatrice d’“Eden”, portrait de groupe de la French Touch dans lequel Vincent Lacoste incarne Thomas Banglater, Mia Hansen-Løve évoque sa jeunesse de clubeuse jamais loin des Daft et ce que lui inspire leur séparation.
“Cette séparation est une nouvelle vraiment dure. Elle vient couronner une année particulièrement morose. Nous n’avions vraiment pas besoin, en plus de tout le reste, d’apprendre que les Daft Punk se séparaient ! (rires) Je leur en ai presque un peu voulu de ne pas avoir attendu que nous soyons tous sortis du tunnel de déprime lié au Covid. Nous avons déjà le sentiment, collectivement, de vivre la fin de quelque chose, et l’annonce de leur séparation le formalise un peu plus. A titre personnel, la fin des Daft Punk me coupe encore davantage de ma jeunesse, me précipite encore un peu plus dans ma vie d’adulte.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Je ne veux pas du tout dire que j’avais anticipé l’annonce mais, rétrospectivement, on se dit qu’elle était quand même un peu prévisible. Ils n’avaient pas fait d’album depuis huit ans, et même si on savait qu’ils étaient lents, cela commençait à faire beaucoup. Et puis Random Access Memories avait atteint un tel niveau d’achèvement, de perfection artistique et de consécration commerciale qu’on pouvait se demander ce qu’ils allaient bien faire après une telle apothéose.
>> A lire aussi : Nile Rodgers : “Avec les Daft Punk, je ne dormais jamais”
Cette réussite avait quelque chose d’indépassable, et on sait qu’ils sont si exigeants, si perfectionnistes qu’ils se posaient forcément la question de comment aller plus loin, désormais. Pour ma part, l’idée qu’il n’y ait plus jamais de nouvel album de Daft Punk, renoncer à toutes les réjouissances qui vont avec, m’attriste, bien sûr. Mais je me dis aussi que cette séparation était probablement la façon la plus intelligente de rebondir et de retrouver leur liberté.
Je ne me souviens plus vraiment de la première fois que je les ai vus. C’est en tout cas totalement raccord avec leur légende. Dans les soirées que je fréquentais aux côtés de mon frère [le DJ Sven Løve], leur nom bruissait sans cesse mais on ne les voyait jamais. Ils n’étaient à l’époque pas du tout célèbres au-delà d’un cercle restreint, mais déjà on entendait : “Ah, il paraît que les Daft Punk vont passer ce soir”, “Ah, non ! Ils étaient là il y a une heure !”…
“Le coup de génie absolu des casques”
On les apercevait furtivement, ils étaient toujours compliqués à voir. Mais peut-être que la manière dont je les percevais était déterminée par l’admiration que mon frère leur portait, la façon dont il les regardait et en parlait. Quand, plus tard, j’ai connu Thomas [Bangalter], j’ai eu la surprise de découvrir quelqu’un d’assez timide. J’ai compris alors que le coup de génie absolu de ces casques, c’était aussi de protéger leur timidité. C’était avant tout une manière bien pratique de se planquer. Ils n’existent que par leurs personnages et par leur musique. Ça fait très envie.
Je ne peux évidemment pas imaginer qu’ils arrêtent de créer. L’un et l’autre aiment être dans l’ombre des artistes et vont sans doute multiplier les activités de producteur. Thomas a aussi un rapport vraiment très intense au cinéma et j’espère qu’il va donner corps à cette passion.”
{"type":"Banniere-Basse"}