En salle ou en festival, le meilleur de la scène hip-hop queer sera ici cet été. Pour l’occasion, on a rencontré le collectif La Bambaataa, fer de lance d’un mouvement qui s’installe doucement de ce côté-ci de l’Atlantique : les rappeurs du futur débarquent sur scène, et ils vont mettre le feu.
Il semble loin le temps où Eminem lâchait ses « faggots » ( »tapette ») à tire-larigot, s’excusant par la suite en montant sur scène avec Elton John. Il paraît loin aussi, bien que récent, celui où le parrain Jay-Z donnait son aval au mariage pour tous. Quand on rencontre Monique et Les Bûcherons, du collectif La Bambaataa, même le coming-out de Frank Ocean, l’année dernière, semble anecdotique : « L’homosexualité existe depuis longtemps dans le hip-hop. 2012 est seulement l’année où le mouvement a traversé l’Atlantique, et ça a pris une dimension très arty, très pointue en Europe. » Sur la côte Est des Etats-Unis, c’est en effet dans les années 90 que le voguing et le bounce explosent, un peu avant que Deadlee, thug de Los Angeles, ne commence à militer pour l’acceptation de toutes les identités dans le rap. En 2006, il participe ainsi à Pick up the mic, documentaire pionnier qui passera relativement inaperçu.
Il faudra attendre l’année 2012 pour qu’internet s’emballe pour le hip-hop queer. A sa tête : Mykki Blanco, qui se met en scène de façon flamboyante dans le clip de Wavvy. Récemment, on l’a ainsi vu sur scène à Villette Sonique, à Paris, entouré de La Bambaataa. Donnant suite aux soirées Brooklyn Session et Black Blanc Beur, le collectif de DJs surfe sur l’émergence de cette sous-culture avec des membres issus du militantisme. « On ne fait pas la police du genre à l’entrée, mais ça reste des soirées queer. » Il faudrait pourtant s’attendre, le 12 juillet prochain au Trabendo, à voir débarquer quelques néophytes : invitée par La Bambaataa, on y croisera la crème de ce mouvement musical d’avant-garde, parmi les plus excitants du moment. Pour patienter : retour sur cinq rappeurs queer à ne pas rater sur scène cet été.
MYKKI BLANCO
Sur scène, Mykki Blanco porte un mini-short, un soutif, une perruque blonde, et répète fiévreusement ces mots : « I’m a beast, I’m a freak » (« je suis une bête, je suis un monstre »). Quand on le croise au Cabaret Sauvage, à Paris, lors du festival Villette Sonique, Michael Quattlebaum Jr. campe son personnage sans demi-mesure. Découvert l’année dernière sur le net, cet ancien étudiant en art est un choc esthétique autant que musical. Beats ambient et minimaux, flow grave et nauséeux, costumes de drag-rappeur expérimental : il y a du glam dans ces premiers morceaux post-apocalyptiques, et assez d’énergie pour foutre en l’air les conventions du rap.
Concert le 6 juillet à Belfort (Les Eurockéennes), le 26 à Hyères (Midi Festival) et aussi les 10 et 11 juin à Londres (Village Underground), le 13 à Barcelone (Festival Sonar), le 5 juillet à Amsterdam (Pitch Festival), le 19 en Allemagne (Melt ! Festival)…
ANGEL HAZE
L’année dernière, Angel Haze met en ligne un premier ep, Reservation. Depuis, tout s’accélère : elle signe en quelques semaines sur le label Universal Republic aux Etats-Unis et entre dans l’écurie de Island Records en Angleterre. Grâce à son flow puissant et fluide, elle devient la coqueluche des blogs spécialisés. Récemment, elle a publié No Bueno, premier morceau de son très attendu premier album, Dirty Gold. Ouvertement bisexuelle, Angel Haze milite pour une meilleure représentation des femmes au sein du hip-hop queer. Et ce n’est pas Azealia Banks, avec qui elle a collaboré, qui viendra lui mettre des bâtons dans les roues.
Concert le 7 juillet en Suisse (Montreux Jazz Festival) et aussi le 29 juin au Danemark (Roskilde festival), le 12 juillet en Allemagne (Spalsh ! Festival), le 6 août en Norvège (Oya Festival )…
ZEBRA KATZ
Zebra Katz fait partie de ces artistes qui savent à peu près tout faire. A la fois rappeur, danseur et performer, il crée des atmosphères lourdes autour de lui. Sa musique est sombre, dure et engagée. C’est pourtant le lumineux Diplo qui s’intéressera le premier à lui en le signant sur son label, Mad Decent. Mais ce début de success story ne s’arrête pas là : l’année dernière, le créateur Rick Owens choisit le très mental Ima Read pour présenter sa collection pendant la fashion week de Paris. Zebra Katz pourrait en effet devenir une véritable icône de mode, et ce ne sera sans doute pas le seul dans le hip-hop queer.
Concert le 12 juillet à Paris avec La Bambaataa (Trabendo) et aussi le 6 juin à Londres (XOYO), le 8 à Manchester (festival Parklife Weekender), le 18 juillet en Belgique (Dour Festival)…
LE1F
Flow enfumé et ultra-rapide, déhanchés sulfureux, instrus qui mettent des baffes, sens aigu du style : Le1f (Khalif Diouf pour l’état civil) se positionne parmi les plus prometteur de cette scène en pleine explosion. Déjà producteur, il sort sa première mixtape l’année dernière, après avoir travaillé avec Das Racist ou encore Spank Rock. Comme avec Mykki Blanco et Cakes Da Killa, l’univers visuel de Le1f est indissociable de sa musique : ses costumes soignés, hors des cadres et osés ne résisteront pas longtemps à l’appel du succès.
Concert le 12 juillet à Cannes (Festival Pantiero) et aussi le 19 juin à Londres (Concrete), le 11 juillet à Dublin (Twisted Pepper)…
CAKES DA KILLA
Cakes Da Killa, de son vrai nom Rashard Bradshaw, est un personnage un peu à part dans la scène hip-hop queer new-yorkaise. Ses morceaux, plus dansants et joyeux que ceux de ses camarades, se dégustent comme des crèmes glacées. Depuis la sortie de son premier ep Easy Bake Oven, on attendait avec impatience qu’il revienne confirmer son talent : c’est maintenant chose faite avec The Eulogy, qui s’avère tout aussi savoureux que le premier. Avec son look de diva, Cakes Da Killa devrait faire bouncer les dancefloors cet été.
Concert le 12 juillet à Paris avec La Bambaataa (Trabendo) et aussi le 11 juillet à Londres (Birthdays)