Le camp d’Alain Juppé tente le tout pour le tout pour combler son retard face à François Fillon, avant le débat de mercredi et, surtout, le second tour de l’élection dimanche.
Alain Juppé accuse près de 16 points de retard sur François Fillon après le premier tour de la primaire de droite. Une situation que le maire de Bordeaux et son entourage n’ont pas vu venir. Ils cherchent encore le bon moyen de faire entendre leur différence avec l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy.
Dimanche 20 novembre, 14 heures. Des centaines de milliers d’électeurs continuent de faire la queue devant les bureaux de vote pour désigner le candidat de la droite à la présidentielle. Pourtant, dans l’entourage d’Alain Juppé, c’est déjà la panique. La poussée de François Fillon se confirme. Il faut se préparer à boucler le premier tour derrière le député de Paris. Guillaume Labbez, chargé de la riposte pour le maire de Bordeaux, commande une note à ses équipes. Les Inrocks ont pu la consulter.
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Fillon, « le Père fouettard est en réalité un faux dur »
Intitulée « Neuf raisons de choisir Alain Juppé plutôt que François Fillon », elle déroule, sur deux pages, les angles d’attaque que vont utiliser les juppéistes devant les journalistes sitôt les résultats connus. On peut y lire: « François Fillon juge trop timoré le programme économique d’Alain Juppé. Il n’en a pourtant pas réalisé le quart quand il était Premier ministre. Pour réformer, il ne suffit pas de bomber le torse pendant la campagne, il faut aussi ne pas trembler une fois arrivé au pouvoir. » Plus loin: « Le ‘Père fouettard’ est en réalité un ‘faux dur’. » Et encore: « Il entretient le flou sur des mesures essentielles de son projet qui méritent la plus grande rigueur. Avec François Fillon, le flou c’est maintenant ! »
Cure d’austérité, programme sociétal rétrograde et rapprochement dangereux avec la Russie de Poutine, l’offensive contre François Fillon se met en place à quelques heures seulement de la publication des résultats. Pis, depuis une semaine, des voix pressent le premier cercle d’Alain Juppé de droitiser sa campagne pour contrer la montée de François Fillon. En vain.
A quelques heures des résultats du premier tour, la Team Juppé revoit le programme des meetings à venir. Les réunions de Toulouse et Nancy sont conservées. Celle de Neuilly-sur-Seine est abandonnée. Nicolas Sarkozy éliminé, inutile de braconner sur les terres de l’ancien chef de l’Etat.
« On a vu arriver un candidat présenté sans défaut »
Tout est improvisé dans la dernière ligne droite. « C’est vrai qu’on ne s’attendait pas à un tel écart de voix entre Fillon et Juppé », reconnaît un proche de ce dernier. Au QG loué pour la soirée électorale, les rares élus juppéistes présents naviguent dans le brouillard. « Tout le monde a été pris de court », souffle le sénateur de l’Yonne, Jean-Baptiste Lemoyne. « On voyait Fillon monter mais pas à ce point-là. On a vu arriver un candidat présenté sans défaut, qui n’a pas été décortiqué par les médias », poursuit le député du Maine-et-Loire, Marc Laffineur. Pour Dominique Perben, ancien ministre de la Justice, chargé du programme régalien du candidat, l’enjeu est désormais d’éclairer « le programme réac’ de François Fillon sur les questions de société ».
Dans la nuit de dimanche à lundi, les petites mains de la campagne affinent les notes produites par l’équipe et rédigent les « éléments de langage ». Juppé le moderne fait désormais face à Fillon le passéiste. Des parlementaires montent au front en découvrant dans leur boîte mail ces arguments. Hors de question d’associer le député de Paris à la droite dure, voire à l’extrême-droite. Une mise en garde qui n’empêche pas les tirs nourris sur les réseaux sociaux. Des phrases telles que « L’IVG n’est pas un droit fondamental » et « Il n’y a pas de crimes de guerre à Alep » sont attribuées à François Fillon. Si la première semble avoir été prononcée par l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, la seconde n’est qu’une extrapolation de ce qu’il a déclaré sur le plateau de France 2 lors de L’Emission politique.
Tâtonnements sur la stratégie de riposte
Qu’importe: les sournoiseries se répandent comme une traînée de poudre. Et plongent dans l’embarras la garde rapprochée d’Alain Juppé. Le maire de Bordeaux a insisté : hors de question de taper sur François Fillon. « Depuis dimanche soir, nous réfléchissons au meilleur moyen de faire apparaître notre différence dans un duel que l’on n’attendait pas encore il y a une semaine », explique Maël de Calan, porte-parole.
« Nous ne voulons pas reproduire ce que nous avons connu avec Ali Juppé (rumeur persistante selon laquelle les salafistes appelleraient à voter Juppé, ndla) ou le pacte secret conclu avec François Bayrou », affirme un juppéiste du premier cercle. Un message d’apaisement va donc être adressé aux soutiens les plus zélés. Dans la précipitation, une fois de plus.
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