Les électeurs de droite et du centre sont appelés à voter dimanche 20 novembre à la primaire de la droite et du centre. Mais ces primaires attirent aussi des électeurs de gauche. Revue des différentes motivations qui les poussent à se déplacer dans leur bureau de vote.
Les sympathisants de gauche pourraient être entre 260 000 et 560 000 à aller voter, les 20 et 27 novembre, pour départager Alain Juppé de Nicolas Sarkozy. S’ils comptent bien jouer les troubles fêtes de l’élection, il est difficile de dire si leur participation sera décisive au point d’influencer clairement la nomination du prochain candidat de la droite d’une primaire qui s’annonce plus indécise que prévue. Par contre, nous pouvons d’ores et déjà présenter les motivations qui les animent. La principale ? Sans surprise une réaction épidermique à l’idée que Nicolas Sarkozy puisse de nouveau diriger le pays – ce que ses partisans fustigeaient en son temps sous le vocable d’antisarkozysme primaire. S’il n’est jamais question d’adhésion ou d’engouement, l’électeur de gauche, perdant bravache, se mue en stratège politique. Il ne veut pas compter pour rien dans le résultat d’une future présidentielle dans laquelle il place peu d’espoir. Revue des motivations d’électeurs désenchantés, en colère, motivés et trublions.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
1/ Parce que Sarkozy me donne des boutons
Marguerite, 37 ans, oenologue
« Voilà à quoi on en est réduit : préparer nos obsèques de gauchos. Malgré tout, je vais me faire un malin plaisir de payer deux euros et mettre un bulletin Juppé pour sortir cette ordure de Sarkozy. »
Anne-Laure, 37 ans
« Je mobilise mes potes de gauche pour voter Juppé et éliminer Sarkozy. J’ai un très mauvais souvenir de son quinquennat entre la violence de ses discours, ses nominations et ses casseroles. Je ne veux pas le voir revenir. On est douze à se déplacer dimanche. Tous pour la même raison. Après, on se pose pas mal de questions, on est pas très à l’aise, on a un peu l’impression de gruger, mais le crédo c’est à la guerre comme à la guerre. »
Laurence, 56 ans, professeure agrégée d’anglais
« Je vais voter à la primaire pour faire barrage à Sarkozy. Je ne souhaite absolument pas qu’il soit au second tour, et encore moins qu’il soit élu. Son côté show business, opportuniste et malhonnête, me dégoute. Si l’idée c’est d’éviter d’avoir Marine Le Pen, il faut voter utile, et donc je donnerai ma voix à Alain Juppé dimanche. Même si cela ne me réjouit pas lorsque je repense au plan Juppé de 1995 sur les retraites et la sécurité sociale. Mais il a des positions moins extrêmes sur l’immigration et l’intégration. Autrement, je préférerais voter pour Nathalie Kosciusko-Morizet, qui est jeune, c’est une femme, et elle me parait plus progressiste. »
Carlos, 68 ans, consultant en informatique
« Le danger numéro 1 à l’horizon de 2017 c’est Marine Le Pen, qui met en danger les valeurs fondamentales de la République. Et je considère que Nicolas Sarkozy, avec les positions qu’il a pris, que ce soit à propos des musulmans, en parlant par exemple de supprimer les menus sans porc dans les cantines scolaires ou son attitude envers le burkini, se rapproche dangereusement du Front national. Nicolas Sarkozy stigmatise les musulmans français pour en faire un outil électoral. Voilà pourquoi j’irai voter dimanche, sans aucun scrupule. Je pense qu’Alain Juppé est le candidat qui a le plus de chance de l’emporter face à Marine Le Pen. Je ne suis pas du tout d’accord avec le programme économique d’Alain Juppé, mais il y a un certain nombre de principes de base de la vie en société qu’il respecte. »
Dominique, 60 ans, cadre de banque
« J’ai décidé d’aller voter à la primaire de Républicains car je pense qu’il faut à tout prix empêcher Nicolas Sarkozy d’être le candidat de droite. C’est un bulletin protestataire avant tout. Je vais donc donner ma voix à Alain Juppé. Je le trouve un peu plus modéré que les autres, même si je ne suis pas d’accord avec lui sur les mesures concernant l’âge de la retraite, l’ISF, l’emploi. Par contre, j’ai peur de Nicolas Sarkozy, prêt à tout pour gagner, voire même à s’allier avec Marin Le Pen. Sans compter les casseroles judiciaires qu’il a derrière lui… Je ne veux pas voir un deuxième tour Sarkozy-Le Pen et me dire que je n’aurais rien fait pour éviter ça. Alain Juppé n’est peut-être pas la solution mais c’est un moindre mal. »
2/ Pour ne pas avoir Sarkozy/Le Pen au second tour de la présidentielle
Maxime, 26 ans, attaché presse
« On va dire que c’est une stratégie du moins pire pour éviter le second tour des deux pires. Je n’ai pas trop envie que l’on se retrouve en mai 2017 à devoir choisir entre Sarkozy et Le Pen. Mon objectif premier c’est donc de dégager Sarkozy car j’ai peur qu’une sacrée masse électorale déçue de ce gouvernement le regrette. Or, vu ses problèmes avec la justice, vu le nombre de témoignages accablant contre lui et vu qu’il s’en sort à chaque fois indemne il semble assez inarrêtable et dangereux. Mais je refuse qu’il ait à nouveau la possibilité d’être aux commandes de ce pays. Ce sont des personnes totalement déconnectées de la réalité et du monde qui les entoure. »
Raphaelle, 32 ans, professeure de philosophie
« J’y vais pour m’assurer que Sarkozy ne passe pas pour éviter un deuxième tour Sarkozy/Le Pen. Il y a de forte chance que la gauche se fasse ramasser au premier tour et le FN soit premier au 1er tour. Voter à la primaire de droite ce n’est pas envoyer la droite au second tour, mais permet d’y envoyer le moins pire. Ce vote à la primaire de droite, c’est un peu de la prophylaxie. »
Frédérique, attachée commerciale, 58 ans
« Je pense que la gauche a peu de chance d’être au deuxième tour, en tout cas la tendance n’est pas favorable. Je ne veux pas me retrouver avec Sarkozy et Marine Le Pen, et donc je préfère avoir un candidat de droite ou du centre que j’ai choisi. C’est pourquoi j’aimerais voter pour Alain Juppé, car il compte agir rapidement. Je ne souhaite pas du tout que Sarkozy soit au second tour de la présidentielle. Je le trouve opportuniste, populiste, c’est une girouette. Juppé a de l’expérience, il m’inspire plutôt confiance. »
3/ Parce que les minorités doivent faire entendre leurs voix
Walid, 27 ans, interne en médecine
« Je me bats contre toute forme de discrimination et de propos insultant, pour l’égalité et la fraternité. Les minorités sont trop souvent le marchepied des ambitions personnelles des candidats. Mais elles ne peuvent se plaindre si elles ne votent pas. Quand François FIllon s’en prend à l’Islam, il vise l’électorat catholique tout en sachant que derrière les musulmans ne le sanctionneront pas car ils ne voteront pas à cette primaire. Pour lui, c’est tout bénef. Il faut que les communautés, les minorités aillent voter pour leur dire qu’elles ne seront plus leur marchepied, montrer qu’elles peuvent faire ou défaire une élection. »
4/ Parce qu’on me donne la possibilité de voter et que je la prends
Loïc, 37 ans, informaticien
« Je ne suis pas encarté et je n’ai jamais milité pour un parti politique. Si j’ai le plus souvent voté à gauche, il m’est arrivé de voter ailleurs. Je ne me sens donc pas illégitime à participer à la primaire des Républicains. S’ils n’avaient pas voulu de ma participation, ils auraient pu fermer le vote. Bref, on me donne la possibilité de voter, je le fais, et je le fais également pour participer au choix de la personne pour qui je serais susceptible de donner mon vote lors du 1er et 2nd tour de la présidentielle. Cependant, n’ayant pas des convictions ancrées à droite, ni de véritable « favori », je vote aussi pour bloquer la route à certains candidats. J’ai toujours voté pour celui qui me paraissait le moins pire. »
5/ Pourquoi je n’irai pas voter
Marion, 36 ans, productrice de documentaire
« Je suis de gauche et je n’ai pas envie de signer leur charte aussi large soit elle, ni de mettre un bulletin de vote, même pour NKM. De manière générale, j’éprouve un sentiment de grosse colère. J’ai l’impression que les gens ont complètement renoncé en disant qu’il faut choisir le prochain Président de droite. Je suis dans une posture plus radicale, je laisse les choses se faire. Si on a 5 ans de Marine Le Pen, hé bien tant pis. J’ai plus du tout envie de cautionner un système où les mêmes sont au pouvoir depuis 30 ans et alternent. Je préfère laisser les choses pourrir au risque de paraître populiste, ce que je crois ne pas être. »
6/ Parce que le spectre du Trump français me fait flipper
Clémence, professeure des écoles
« A l’annonce des résultats des élections américaines, mon ami et moi étions bouleversés… K-O, inquiets. Et puis on ne comprenait pas. Comment est-ce possible ?! Gros flippe, grosse désillusion et évidemment rapprochement direct avec la très proche élection présidentielle françaises.. En classe, je me sentais même triste pour mes élèves, pour leur avenir. . Je me suis dit que moi qui déteste la politique (et n’y connais pas grand chose, il faut bien l’avouer), je pouvais faire un truc, qu’il ne fallait pas se laisser décourager, être blasé. Me dire que je pouvais voter à la primaire de droite pour éviter Sarkozy m’a rassurée. Je me suis donc mise à lire quelques articles sur cette fameuse primaire. J’ai également lu les programmes de quelques candidats. Celui de Sarko n’est même pas un programme, tout est axé sur la peur du terrorisme, la stigmatisation des musulmans. J’étais plus déterminée que jamais : signer le papier, donner deux euros, pour éviter ça. Ca me rend assez morose d’être à ce point sûre que la gauche n’a aucune chance. J’espère me tromper. Je voterai pour elle aux présidentielles au 1er tour (et au 2eme, on ne sait jamais). »
7/ Parce que je ne veux pas revivre 2002
Jeanne*, journaliste, 35 ans
« J’appartiens à la génération qui a dû voter Chirac pour sa première élection présidentielle en 2002. Je me suis retrouvée avec ce duel pas possible entre Chirac et Le Pen. J’ai peur de revivre des choix qui ne correspondent pas du tout à mes idéaux. Dans la mesure où j’aurai énormément de mal à voter Sarkozy contre Le Pen, je préfère aller voter pour éviter ce duel. »
8/ Personnellement, j’hésite
Pascale, 50 ans, cadre commerciale
« J’ai de très gros doutes sur la présence de la gauche au second tour, et je ne voudrais pas me retrouver à devoir faire un choix entre Le Pen et Sarkozy. Je crois que dans cette configuration là je n’irais pas voter. Leurs thèses identitaires et populistes se rejoignent. Et en 2002, Chirac n’a guère su remercier le « peuple » de gauche par la suite d’avoir voté pour lui. L’idée est de faire barrage à Sarkozy… et peut-être de donner ma voix à NKM, parce qu’elle est la seule à aborder l’écologie, à ne pas revenir sur le mariage pour tous, qu’elle est favorable à la mise en place d’un revenu minimum pour tous. Que c’est une femme et que la droite ne leur a jamais laissé beaucoup de place dans l’appareil politique. Reste à savoir si je suis prête à signer un document certifiant que je partage les valeurs de la droite… après m’être associée à une liste écologiste aux dernières municipales cela me pose quand même un cas de conscience ! »
9/ Parce que le vainqueur sera probablement mon président
Franck, 35 ans, journaliste en presse spécialisée
« Je vais voter à la primaire de droite parce que je considère qu’aujourd’hui, il n’y a absolument aucune chance qu’un candidat de gauche remporte la présidentielle. Hollande et Valls s’en sont assurés en dégoûtant les électeurs de gauche, et ils vont tout de même utiliser la machine de guerre du PS pour bloquer toute autre candidature crédible à gauche. Sachant que le prochain président sera celui soutenu par LR (sauf autre hypothèse encore plus flippante), j’estime que la primaire LR est celle qui désignera le président de tous les Français. Elle me concerne donc tout autant que la présidentielle.
Je n’ai pas encore totalement arrêté mon choix pour le premier tour, mais il est très probable que je vote pour Nathalie Kosciusko-Morizet. C’est la seule qui souhaite conserver une forme d’impôt sur la fortune, qui ne crache pas sur les 35h à chaque phrase, qui parle vaguement écologie de temps en temps, qui n’ait rien contre le maintien du code de la nationalité actuel, et qui ne torde pas le nez quand on lui parle de la loi Taubira.
Au second tour, ça sera celui qui ne sera ni Sarkozy ni Copé (et un bulletin blanc si ces deux-là sont qualifiés). Il est inconcevable qu’on remette le couvert avec un type qui a laissé le pays dans un état déplorable, qui ment éhontément d’interview en interview, et qui a autant de casseroles. Quant à Copé, je refuse de donner l’Elysée à un type aussi ouvertement xénophobe. »
9/ Parce que je veux faire barrage au populisme
Mathieu, 41 ans, label manager dans l’industrie phonographique
« Je vais voter pour faire barrage au populisme. La droite républicaine, que je respecte même si je ne partage pas ses idées, n’a quasiment plus droit à la parole car elle se retrouve gangrénée par l’influence du FN. Voter Juppé c’est, pour moi, voter un programme très à droite mais dans les limites de la droite républicaine. Je suis très loin d’adhérer à ses idées économiques notamment, mais j’ai hâte de combattre ses idées, plutôt que de combattre un populisme qui est par définition sans limite. C’est aussi histoire d’avoir une campagne un peu moins ras-des- pâquerettes en vue de la présidentielle. Je vais donc devoir signer ce petit papier, mais je n’ai pas d’état d’âme là-dessus. Au final, je n’adhère à aucun parti. J’ai voté Chirac pour faire barrage à Le Pen, après avoir voté Jospin en 2002. »
*le prénom a été modifié
{"type":"Banniere-Basse"}