Jusqu’au 25 novembre, à Rennes, le Festival TNB témoigne de la vitalité du spectacle vivant. Arthur Nauzyciel, directeur du Théâtre National de Bretagne, revient sur les lignes
de force de cette première saison.
Vous venez de prendre la direction du Théâtre National de Bretagne : en quoi le fait que vous soyez à la fois acteur et metteur en scène va-t-il changer la donne ?
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Arthur Nauzyciel – Avoir fait l’expérience de la création d’une compagnie pour monter mes spectacles. Avoir bénéficié du statut d’intermittent. Savoir aussi, pour l’avoir vécu, ce qu’il en coûte d’en être exclu… L’ensemble de ce vécu partagé par la profession me permet d’être en dialogue avec les artistes et les équipes du théâtre sur un grand nombre de niveaux. Avant de prendre la tête du TNB, j’ai été directeur du Centre dramatique national d’Orléans. Je me suis toujours revendiqué d’être un acteur et un metteur en scène. Je n’ai jamais eu le sentiment d’être un programmateur quand il s’agit de construire le déroulé d’une saison. L’idée qui m’est chère, c’est de concevoir la marche d’un théâtre comme un tissu de concordances qui fabrique d’abord du sens.
Votre qualité d’artiste annonce-t-elle de nouvelles priorités pour l’institution ?
Comme artiste, j’ai la conviction que le projet à mettre en place au TNB ne pourra s’épanouir qu’à travers ce qui va naître sur les plateaux. Arpenter les diverses scènes avec les équipes techniques a été ma priorité. Cette maison a depuis longtemps une vraie culture de la création et de la production, les collaborateurs qui m’entourent sont tous très motivés pour accompagner l’aventure d’un artiste et d’un projet. Renforcer avec eux des liens très directs et concrets avec ce qui se passe sur le plateau est fondamental. La direction d’une institution comme le TNB oblige à beaucoup d’autres activités, mais elles ne pourront trouver leur valeur qu’en rapport à la pertinence de ce qui se crée sur scène.
Cette maison doit répondre à des missions très différentes.
Effectivement, le Théâtre National de Bretagne ne saurait se résumer à une fabrique de théâtre même si, avec son label européen, il revendique la belle ambition d’une visibilité à l’international. C’est un lieu de transmission au regard des élèves de son Ecole nationale d’art dramatique. Avec son cinéma qui regroupe deux salles de projection, c’est aussi un lieu de rendez-vous incontournable pour la cinéphilie.
Là encore, cela renvoie à votre parcours personnel.
Adolescent, c’est ma passion pour la danse, les claquettes et les comédies musicales, mon attirance pour les arts plastiques et mon goût immodéré pour le cinéma qui, au final, m’ont amené à m’intéresser au théâtre. Intégrant le cursus proposé par l’Ecole de Chaillot, mon parcours d’homme de théâtre s’est cristallisé au contact d’Antoine Vitez, son créateur. Cette construction personnelle témoigne depuis le début d’un goût pour le mélange des genres. Il me semble important de faire tomber les barrières entre les disciplines, pour ne jamais oublier la manière dont on s’est personnellement fabriqué en faisant confiance à ses désirs.
Comment penser un projet au service de votre ambition d’une culture décloisonnée ?
Je me considère comme une courroie de transmission. Mon but est de mettre en place l’offre la plus ouverte sans me préoccuper des chapelles. Plus la palette sera étendue dans ses sensibilités, plus la rencontre que je désire provoquer entre les arts sera nourrissante pour le public. Il s’agit d’abord de mettre en place les conditions d’un échange fertile entre les disciplines. Le groupe des artistes associés au TNB témoigne de cette diversité créative. C’est un groupe qui travaille sur des univers variés. Ils sont les représentants d’une génération qui, plus que la précédente, trouve son inspiration à la croisée des arts. En les réunissant, mon souhait est d’être représentatif du très large champ des possibles brassé par la scène d’aujourd’hui. A elle seule, la liste des seize artistes associés au TNB* témoigne de ma volonté de proposer un parcours où la singularité même des esthétiques questionne la forme et appelle au dialogue.
Comme évoquer le contenu du Festival TNB en regard de ce projet ?
C’est d’abord l’idée d’une parenthèse temporelle et festive qui incite au partage des émotions. Pour cette première édition, il ne s’agit certainement pas de faire du festival un objet à part. Son lien avec notre saison est revendiqué. Cette édition du Festival TNB est pensée comme une caisse de résonance. L’événement va être l’occasion d’ouvrir un débat sur l’artistique. Pour aborder cette question sur tous les fronts, j’ai réuni des metteurs en scène et des chorégraphes, des cinéastes et des plasticiens, des architectes et des musiciens, des auteurs et un historien.
Que va-t-il se passer sur les plateaux ?
Côté spectacles, il s’agit d’un prologue pour acter une série de compagnonnages. Nombre des artistes invités n’ont jamais présenté de spectacles à Rennes. J’avais envie de proposer un précipité représentatif de leur parcours pour témoigner dans l’urgence de leur travail. Avant que les spectateurs ne découvrent les dernières créations, je souhaitais les confronter à des œuvres emblématiques de la singularité de ces démarches esthétiques. Un festival est un événement idéal pour condenser le temps et les plaisirs de la découverte.
Propos recueillis par Patrick Sourd
* Sont associés au TNB : les metteurs en scène Jean-Pierre Baro, Vincent Macaigne, Julie Duclos, Guillaume Vincent ; les chorégraphes Damien Jalet, Gisèle Vienne, Sidi Larbi Cherkaoui ; les performeurs Mohamed El Khatib, Phia Ménard ; les écrivains Marie Darrieussecq, Yannick Haenel ; les plasticiens Valérie Mréjen, Xavier Veilhan, M/M (Paris) ; les musiciens Albin de la Simone, Keren Ann et l’historien Patrick Boucheron
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