Évacués de la »Colline du crack » début juillet, les toxicomanes de la Porte de la Chapelle se mêlent aux centaines de migrants présents déjà sur place, intensifiant une tension marquée par l’insalubrité et l’insécurité. Les associations dénoncent des conditions inadaptées suite aux décès d’un migrant de la nuit du mardi 24 juillet.
Aux conditions d’insalubrité et d’insécurité s’ajoute un drame . Un migrant a trouvé la mort dans la nuit du 24 juillet à Porte de la Chapelle, comme l’a dénoncé l’association Solidarité Migrants Wilson. Elle complète une atmosphère déjà très tendue en raison du manque d’eau et de vivres pour venir en aide aux 700 migrants y affluant chaque jour. Par ailleurs, depuis l’évacuation de la « Colline du crack », début juillet, les toxicomanes restant se mêlent aux migrants, donnant lieu parfois à des confrontations.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Les associations dénonçaient le décès d’un migrant, Porte de la Chapelle, dans la nuit du 24 juillet. (Capture d’écran d’une publication Facebook de Solidarité Migrants Wilson).
9h53 ce jeudi 26 juillet, et la file est déjà longue de plusieurs dizaines de migrants qui attendent la distribution des rations du jour sur le Boulevard Ney, dans ce local de fortune, temporairement loué à l’association Solidarité Migrants Wilson, et situé à quelques centaines de mètres de la »Colline de crack ». Un peu de pain, des viennoiseries et un café constituent l’essentiel de ce maigre petit déjeuner distribué par les associations Solidarité Migrants Wilson ou Utopia56 – mais qui est souvent l’unique repas de la journée pour ces 700 migrants, la plupart originaires de Somalie, Syrie ou Afghanistan. Des hommes ‘’sans perspective d’avenir », s’énerve Clarisse, membre de l’association Solidarité Migrant Wilson, prenant l’exemple d’un jeune homme de 23 ans ayant quitté son pays à l’âge de 13 ans avant d’errer à travers l’Europe. Les mains de la bénévole s’agitent au même moment que sa gorge se serre, s’essuie des yeux embrumés par la colère et la tristesse, et lâche d’un soupir exténué : ‘’tous les facteurs sont réunis pour rendre la situation intenable’’.
Parmi eux, de nombreux ‘’dublinés’’ (du nom des accords de Dublin établissant que toute demande d’asile devrait être effectuée auprès du premier pays d’accueil) ne veulent pas retourner en Italie, par où ils sont arrivés en Europe, pour voir leur demande rejetée. ‘’On a peur de simplement demander en fait. On sait qu’on va se faire expulser si on le fait’’, confie, dans un anglais maladroit, Houssan, un jeune Afghan. L’arrivée au pouvoir de la Ligue du Nord, et notamment de son secrétaire général, Matteo Salvini, au poste de ministre de l’Intérieur, a calmé les ardeurs de ceux qui espéraient régulariser leur situation. Le nouveau premier flic d’Italie avait donné le mot d’ordre : ‘’le bon temps pour les clandestins est fini’’.
Depuis peu, cette masse informe d’hommes perdus se voit compter « de plus en plus de mineurs isolés, commente toujours Clarisse. Egalement quelques familles et des enfants en bas-âges ». Dans ces conditions, l’accès à l’eau devient vital. Or, seul un point d’eau se trouve à proximité du local.
L’insalubrité ce triste tableau, prenant ici la forme grotesque de monceaux de poubelles où boites de médicaments et autres produits de première nécessité se disputent la place, est complété par le sentiment d’insécurité chez les migrants. « La nuit, on peut vous prendre votre argent, votre portable, toutes vos affaires. Et le lendemain on se fait réveiller par les policiers qui nous disent de dégager », détaille Ismaël, sourire abattu au coin des lèvres.
Insalubrité et insécurité : le cocktail explosif de la Porte de la Chapelle
Une insécurité largement comprise par la présence récurrente des toxicomanes de la « Colline ». Profitant de la présence des associations, ils viennent se mêler aux migrants pour obtenir un égal petit déjeuner. Ce qui donne souvent lieux à des confrontations, les premiers refusant souvent de faire simplement la queue et prônent à la violence. « Certains en viennent à se battre avec des bouts de bois », nous confiait déjà début juillet les membres des associations. Ces dernières nourrissent un sentiment d’abandon face à des pouvoirs publics dont les aides sont limitées. « C’est pire que de l’indifférence. On l’impression que c’est une volonté », crache de rage l’une de leurs bénévoles.
Les policiers, justement, sont postés à quelques dizaines de mètres. Deux camionnettes, dont les occupants sortent parfois pour se mêler aux migrants et assurer que la situation ne dégénère pas, scrute les lieux. Un sentiment de lassitude, mêlé de colère, domine cet îlot de pauvreté et de trafic. Dans la nuit du 24 juillet, un exilé soudanais serait décédé à quelques pas du local de l’association Migrant solidarités Wilson. Une information que ni la police, ni la mairie du XVIIIe n’a pu nous confirmer, cette dernière parlant plutôt d’une femme dont l’origine était encore à déterminer.
Si Eric Lejoindre (PS), maire de l’arrondissement, n’a pu donner suite à nos demandes d’interviews, on reconnaît en interne une « situation intenable ». Lors de l’évacuation de la « Colline du crack », la mairie avait pris en charge une cinquantaine d’addicts. Un geste de bonne volonté mais pas suffisant pour limiter totalement le retour des autres toxicomanes. De cette même source, on invoque des difficultés économiques mais aussi administrative. « Pour mettre en place ce genre d’opération, on a besoin de la préfecture de région », renvoie la balle ce collaborateur. Il complète : « l’évacuation de la « Colline », ça fait un an qu’on la demande… ». Ce mercredi, la préfecture de la région, la préfecture de la police et la mairie du XVIIIe se sont réunis pour trouver des « une réponse forte, rapide, au cœur de l’été ». La canicule n’arrange rien, et la situation devient celle de l’urgence. Une urgence déjà dénoncée à multiple reprise par l’élu LR de l’arrondissement, Pierre Liscia, dans des vidéos où il interpellait la maire de Paris, Anne Hidalgo.
Madame @Anne_Hidalgo, avez-vous déjà essayé de résoudre les problèmes plutôt que de vous contenter de les déplacer ? #Paris18 #PortedeLaChapelle #crack #PlacedeLaChapelle pic.twitter.com/5YRknzAGUa
— Pierre Liscia (@PierreLiscia) July 9, 2018
{"type":"Banniere-Basse"}