[Numéro spécial Gainsbourg] Le leader de Franz Ferdinand se souvient de son adolescence de fan “collectionneur” de Gainsbourg.
“Je devais avoir 8 ans et j’entendais constamment Je t’aime… moi non plus à la radio. Pour un petit garçon de cet âge, surtout au Royaume-Uni, c’était une chanson très dérangeante ; je ne l’aimais pas du tout, je la trouvais trop sentimentale, trop explicite sur l’amour. J’y suis revenu plus tard, à 17 ans, quand j’ai découvert ses chansons plus jazz, ses disques de la charnière années 1950-1960 dans l’appartement d’une copine à Glasgow. Je suis resté sans voix devant des titres comme Le Talkie-walkie ou Scenic Railway.
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“Il possédait, comme sa voix, une laideur très belle”
Je n’avais jamais entendu un truc pareil : une voix autoritaire et sombre sur des mélodies qui ne ressemblaient à rien de connu pour un petit fan de rock. Je suis ensuite passé à sa phase plus pop des années 1960, que j’adorais aussi. Avec ma bande de copains d’Ecosse, nous nous échangions les disques, les cassettes de ses passages télé… Nous sommes devenus très collectionneurs.
Qu’est-ce qui rendait cette quête si excitante ? C’était comme recevoir des images, des bribes d’un autre monde, d’une planète tellement éloignée de ce que nous proposaient les rock stars anglaises ou américaines… Gainsbourg possédait – et c’est très rare en musique populaire – une identité totalement à part. Même sa dégaine était cohérente avec sa musique, il possédait, comme sa voix, une laideur très belle. Ou plutôt : une beauté brutale. Il n’y a aucune joliesse, aucun superflu dans sa gueule, exactement comme dans ses chansons. Mais l’un et l’autre possèdent une sensibilité à fleur de peau, un truc excessivement masculin.
Dans le rock, quand on tente d’être à ce point masculin, on tourne vite à la caricature de macho. Gainsbourg, lui, était masculin sans être macho. Je ne connais pas d’autre artiste capable de chanter ainsi sur les orgasmes féminins ; il se fichait totalement de la bienséance, il était en ce sens bien plus rock’n’roll que la plupart des rock stars.”
Propos recueillis en 2006
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