Luc Bondy inaugure son mandat avec « Les Beaux Jours » d’Aranjuez de Peter Handke, qu’il a créée au Wiener Fest Wochen.
Personne n’a oublié cette parenthèse poétique d’où tout discours était exclu, celle de L’heure où nous ne savions rien l’un de l’autre, pièce sans parole de Peter Handke mise en scène en 1994 par Luc Bondy. Dix-huit ans plus tard, Bondy monte Les Beaux Jours d’Aranjuez, dernière pièce d’Handke. Entre-temps, il y a eu la guerre de Yougoslavie, les positions proserbes et la présence d’Handke lors de l’enterrement de Slobodan Miloevic´, mort avant la fin de son procès pour crimes contre l’humanité. Désigné persona non grata à la Comédie-Française par son administrateur Marcel Bozonnet, Handke vit sa pièce Voyage au pays sonore ou l’art de la question déprogrammée en 2007.
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Aujourd’hui, il revient par la grande porte avec Les Beaux Jours d’Aranjuez, dialogue amoureux entre une femme et un homme, « comme hors du temps, en dehors de n’importe quelle actualité et en plus en dehors de n’importe quel cadre historique et social ». Doit-on lire dans la première didascalie de cette pièce une forme de repentir ? Handke y fait le bilan d’un siècle de révolution sexuelle où se renouvelle le discours sur l’amour et le désir. Un tendre bras de fer, aiguisé par la mémoire du temps qui passe et la certitude qu’il nous file entre les doigts.
Avec Dörte Lyssewski et Jens Harzer, ses deux acteurs éblouissants, Luc Bondy aborde le sujet sur le ton jouissif de la plus grande cruauté. Le théâtre n’est pas de la littérature, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir et donc aucune place pour la nostalgie. Un plateau nu et un bric-à-brac transforment le jardin d’Éden en champ de mines des passions. En fond de scène, un rideau rouge s’entrouvre par moments… Telle une apparition jaillissant de ce triangle d’ombre, une jeune fille s’y balance innocemment en muse de désir. Paris vaut bien une messe, ces instants d’extase sur une escarpolette replacent l’auteur dans un ailleurs théâtral où il excelle et qu’il n’aurait jamais dû quitter.
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