En orientant ses musiques vers l’ambient et la drum’n’bass, la jeune scène norvégienne redonne des couleurs au jazz. Jazz Voilà quelques saisons déjà qu’on nous rebat les oreilles avec cette pseudo-nouvelle vague electro, censée révolutionner en profondeur l’esthétique jazz dans ses sonorités intimes, ses pulsations essentielles, son rapport au temps et à l’espace, ses dispositifs […]
En orientant ses musiques vers l’ambient et la drum’n’bass, la jeune scène norvégienne redonne des couleurs au jazz.
Jazz Voilà quelques saisons déjà qu’on nous rebat les oreilles avec cette pseudo-nouvelle vague electro, censée révolutionner en profondeur l’esthétique jazz dans ses sonorités intimes, ses pulsations essentielles, son rapport au temps et à l’espace, ses dispositifs compositionnels… Si la plupart des propositions se réclamant de cette tendance ne sont encore aujourd’hui que de tristes et opportunistes recyclages high-tech des plans les plus éculés de l’acid-jazz du début des années 90, lui-même pâle décalque des intuitions géniales du jazz funky des années 70 (de Miles Davis à Herbie Hancock en passant par Lonnie Liston Smith…), il ne faudrait pourtant pas rejeter d’un bloc ce courant d’ores et déjà majeur du jazz contemporain international, vaste fourre-tout dont l’hétérogénéité esthétique mais aussi la richesse ne font que se révéler et s’accentuer au fil du temps.
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Si l’on ne devait pourtant choisir qu’un axe pour aborder ce nouveau continent aux contours si informels, c’est sans hésitation qu’on ferait cap au nord. Il suffit pour s’en convaincre de jeter une oreille curieuse à ces deux nouveaux disques, fort différents dans leur tonalité générale comme dans leur projet, qui à la fois confirment définitivement le pianiste Bugge Wesseltoft et le trompettiste Nils Petter Molvaer dans leur statut de fers de lance d’une jeune scène electro-jazz norvégienne particulièrement active, mais surtout, par leur inédite maturité formelle, justifient peut-être pour la première fois tous les espoirs que certains misent sur cette nouvelle orientation du jazz moderne. Musiciens strictement jazz à l’origine, ayant tous deux fourbi leurs armes auprès des plus grands noms de la tradition nordique (Jan Garbarek, Terje Rypdal), nourris eux-mêmes aux préceptes modaux de George Russell (influence majeure et secrète de Miles Davis), Wesseltoft et Molvaer étaient en somme comme prédestinés à prolonger et transposer ce tropisme scandinave dans l’ère électronique. Car au-delà des différences sensibles (une tendance plus mélodique et légère, résolument dance par endroits, chez le pianiste ; une musique plus austère, lyrique et expérimentale chez le trompettiste), on trouve dans ces deux univers un même sens de l’espace dilaté, cette même quête de la note juste, ce même minimalisme raffiné, ces mêmes boucles rythmiques hallucinatoires, pulsatives à l’infini, et surtout une même volonté de mener un discours collectif aux limites de l’anonymat.
Dans cette logique, l’album Recoloured, longue suite de remixes inspirés de quelques thèmes phares du précédent disque de Molvaer, Solid ether, atteint sans doute des sommets. Totalement dépossédé de sa musique par des artistes aussi importants que Funkstoerung, Cinematic Orchestra, Deathprod ou TeeBee, le trompettiste n’est plus qu’une ombre fantomatique hantant de façon subliminale de vastes espaces métamorphosés, recomposés. Là, le jazz (ou ce qu’il en reste) laisse entrevoir véritablement de nouveaux horizons.
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BUGGE WESSELTOFT Moving (Jazzland/Universal)
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