Alors que les émeutes persistent aux Etats-Unis suite à la mort de Georges Floyd, un Afro-américain tué, ce 25 mai dernier, par un policier blanc, retour sur une vingtaine de films essentiels qui dénoncent le racisme et, pour certains, la répression policière.
Le Lys Brisé (1919) et deux autres films de D.W. Griffith
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Comment aborder le sujet du racisme sans évoquer le cinéaste D.W. Griffith ? Il est accusé de racisme pour son film Naissance d’une Nation en 1915. Le film se déroule à la fin de la Guerre de Sécession entre deux familles, celles des Stoneman et des Cameron. A la suite de la mort de Lincoln, la paix ne calme les esprits, laissant alors une ouverture aux troubles des politiciens véreux, à la répression des Noirs et à la création du Ku Klux Klan. Pour apaiser les critiques, D.W. Griffith enchaîne avec Intolérance, une grande fresque historique sur l’humanité prônant la paix et la tolérance. En 1919, il réalise à nouveau un drame interracial, Le Lys Brisé, sur une jeune fille qui se lie d’amitié avec un immigré chinois.
Mirage de la Vie de Douglas Sirk (1959)
Douglas Sirk signe son dernier grand mélodrame hollywoodien, Mirage de la Vie, porté par un incroyable quatuor de femmes. Lora, une jeune mère blanche célibataire se lie d’amitié avec Annie, une sans-abri Noire, qu’elle accueille avec sa fille sous son toit. Si la première partie du film s’attarde sur l’illusion du rêve américain, c’est davantage la critique allégorique d’une Amérique blanche que Sirk illustre, et notamment sur la question raciale et hiérarchique de la condition humaine. A travers l’amitié des quatre femmes, le cinéaste pulvérise les codes raciaux dans un chef-d’œuvre pessimiste et sincère.
Le Sergent Noir de John Ford (1960)
Au fin fond de l’Arizona en 1881, le Sergent Rutledge, un soldat noir, est accusé du viol d’une jeune fille blanche et du meurtre de son père. Pour ces accusations, il va être jugé à la cour martiale où on dresse de lui un portrait raciste. Son unique espoir est d’être sauvé par Mary Beecher, sa seule témoin. A travers ce western humaniste, John Ford traite des fantasmes racistes dans une société américaine puritaine. En luttant pour la reconnaissance de ses droits civiques tel un plaidoyer antiraciste, Woody Strode, grand acteur noir du cinéma, marque l’histoire avec son rôle de Sergent.
Black Panthers d’Agnès Varda (1968)
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Alors qu’Agnès Varda expatrie sa carrière aux Etats-Unis en 1967, elle va faire la rencontre des responsables du Black Panther Party à Oakland lors des manifestations autour du procès de Huey Newton. Son regard va se tourner vers leur combat, entre répression policière et révolution militante, dont elle ressort en 30 minutes, un message fort et radical. Le court-métrage, qui est actuellement disponible en ligne gratuitement, s’inscrit dans la veine d’autres nombreux documentaire indispensables tels que Free Angela de Shola Lynch ou encore Black Power Mixtape de Göran Olsson.
Tous les autres s’appellent Ali de Rainer Werner Fassbinder (1974)
Emmi, une veuve d’une soixantaine d’années, fait la rencontre d’Ali, un immigré Marocain bien plus jeune. Dès le lendemain, le deux emménagent ensemble, puis se marient. Scandalisés par cette union, les enfants d’Emmi, ses voisins, ses collègues, tous mettent le couple à l’écart. Fassbinder, en signant le remake de Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk, met en lumière une love story contrariée par des préjugés raciaux, l’incompréhension, de la haine et surtout la peur de l’inconnu.
Cotton Club de Francis Ford Coppola (1984)
Plongé dans un décor jazzy pendant la Prohibition à New York, Dixie Dwyer, un trompettiste blanc sauve un claquettiste noir puis s’embarquent rapidement dans les trafics d’alcools de gangsters. Entre la comédie musicale et le film noir, Cotton Club dénonce les rouages d’un racisme ordinaire et irréfléchi.
Mississippi Burning d’Alan Parker (1988)
En 1964, trois militants d’un comité de défense des droits civiques disparaissent mystérieusement dans l’État du Mississippi. Anderson et Ward, deux agents du FBI, aux méthodes opposées sont chargé de l‘affaire. Mais alors que les deux hommes s’enfoncent dans leurs investigations, des violences sur fond de racisme explosent, tandis que le Ku Klux Klan du comté attise les haines. Epaulé par un duo d’acteurs excellent (Gene Hackman et Willem Dafoe), Alan Parker image avec brio ce racisme aveugle et arbitraire érigé au sein des institutions.
Do The Right Thing de Spike Lee (1989)
Plus de 30 ans après sa sortie, ce film emblématique de la culture noire américaine des années 80 reste incontournable tant sur l’émergence hip-hop que d’un point de vue sociopolitique. Mookie (Spike Lee himself), un jeune afro-américain, livreur de pizzeria profite de la chaleur estivale dans un quartier de Brooklyn. Mais les tensions raciales et conflits intercommunautaires ne vont pas tarder à bousculer leur quotidien. Impossible de citer Spike Lee, grand fétiche des brûlots politiques et raciaux, sans aussi mentionner Malcolm X et Blackkklansman.
American History X de Tony Kaye (1998)
Dereck, un skinhead néonazi, repenti après un passage en prison, décide de changer de vie et d’aider son petit frère à s’éloigner de cette spirale de groupuscules facho. Si le film tient beaucoup à ses acteurs (Edward Norton décroche même une nomination aux Oscars), c’est l’aspect documentaire qui creuse les origines la violence raciale et d’un certain extrémisme aux États-Unis qui est fascinant.
Gran Torino de Clint Eastwood (2008)
Vétéran de la guerre de Corée, Walt Kowalski méprise avec un ton raciste ses nouveaux voisins asiatiques. Les événements vont forcer Walt à défendre ses voisins, dont le petit garçon Thao, face à un gang du quartier. Sans jamais tomber dans le manichéisme, Eastwood parle de son pays avec honnêteté et complexifie son œuvre avec une trame de violences, entre générations, préjugés raciaux, guerres de gangs et ethnicité. On pense aussi à Invictus qui traite de la division raciale et économique en Afrique du Sud, mais aussi de Bird, magnifique biopic sur le jazzman afro-américain Charlie Parker.
Django Unchained de Quentin Tarantino (2012)
Au milieu du XIXe siècle, dans le Sud des Etats-Unis, le docteur King Schultz (Waltz), médecin charlatan et chasseur de primes, affranchi l’esclave Django (Foxx) et fait alliance avec lui, pour d’abord traquer et capturer une bande de hors-la-loi et ensuite libérer son épouse d’un riche propriétaire de plantation. Tout en jonglant entre tragédie et comédie, Tarantino réussi à traiter de sujets sérieux et fort comme l’esclavage. Bien évidemment, on n’oublie pas Jackie Brown, où le cinéaste non seulement exprime son amour de la culture noire, mais surtout pour le réalisme des rapports entre Noirs et Blancs qu’illustre Tarantino.
I Am Not Your Negro de Raoul Peck (2016)
Basé sur les écrits de l’auteur Afro-américain James Baldwin, un ami de Medgar Evers, Martin Luther King et Malcom X, tous les trois assassinés, ce documentaire fait le tour de la question noire aux Etats-Unis, raconte l’histoire de l’esclavage, de l’abolitionnisme, de la lutte des Afro-Américains pour obtenir l’égalité des droits. Entre images d’archives parfois très choquantes et inédites et des extraits d’interviews télévisées, Raoul Peck interroge comment l’Amérique a créé et perpétué une haine aussi féroce envers la communauté Afro-américaines.
Loving de Jeff Nichols (2016)
Retour dans les années 60, alors qu’un couple interracial, les Loving, se marie en Virginie, l’Etat encore très ségrégationniste porte plainte contre eux. Le couple condamné à de la prison, décide de porter l’affaire devant les tribunaux, jusqu’à la Cour Suprême. Au-delà d’être une superbe romance merveilleusement mis en scène, Jeff Nichols raconte cette histoire vraie sans jamais tomber dans le sensationnaliste ou la mièvrerie. Les personnages – interprétés par Joel Edgerton et Ruth Negga – tout comme leur combat est calme, sensible et sobre.
Le 13e d’Ava DuVernay (2016)
Dans le documentaire Netflix Le 13e (pour le 13e amendement qui en 1865, aboli l’esclavage et la servitude involontaire aux États-Unis), la réalisatrice Ava DuVernay peint le portrait d’un système carcéral brisé et toujours empreint d’inégalités raciales. Expliqué par des universitaires et des historiens, en remontant parfois jusqu’aux racines de l’Histoire, le documentaire met l’accent sur la répercussion de l’emprisonnement sur la culture afro-américaine. En 2019, Ava DuVerany relance le sujet en réalisant la série When They See Us, qui retrace la vraie histoire de cinq adolescents noirs innocents accusés de viol.
Detroit de Katherine Bigelow (2017)
1967. Détroit connaît une vague d’émeute sans nom, poussant la ségrégation sociale à l’extrême. À la suite d’interpellations brutales, des flics encerclent une bande de jeunes Noirs toute une nuit dans un motel, bafouant toutes procédures. Katherine Bigelow nous embarque toujours « caméra à l’épaule » dans ses quartiers pour y dénoncer les bavures policières et l’impunité des forces de l’ordre.
Get Out de Jordan Peele (2017)
Primé à l’Oscar du Meilleur scénario original en 2018, Jordan Peele a depuis marqué (si ce n’est hanté) les esprits avec sa comédie cinglante, penchant vers la fin, sur le thriller horrifique. Le récit, qui nous rappelle étroitement Devine qui vient dîner…, suit Chris (l’incroyable Daniel Kaluuya) en week-end pour la première fois chez ses beaux-parents. Et si sa copine lui assure que ses parents sont très tolérants, rien ne va se passer comme prévu. Pour une fois le cinéaste ne cherche pas à tout prix à rééduquer son spectateur, mais à tout simplement exposer avec puissance et intelligence, les mécanismes du racisme aux Etats-Unis.
Green Book de Peter Farrelly (2018)
Récompensé par l’Oscar du Meilleur Film en 2019, le film suit Don Shirley, un pianiste renommé, riche et noir, qui décide d’engager Tony Lip, une canaille italo-américaine pour veiller sur ses arrières le temps de sa tournée dans le sud des Etats-Unis, encore violemment ségrégué dans les années 60. Green Book est le buddy movie interracial qui, avec beaucoup de burlesques, parvient à inverser les clichés raciaux, malgré certaines limites.
Sorry To Bother You de Boots Riley (2018)
Cassius Greene est un misérable télé marketeur qui monte en grade le jour où il comprend comment parler avec une « voix de Blanc ». Une méthode magique qui boostera sa carrière au rang de vendeur le plus convaincant du monde. Boots Riley, son réalisateur, démonte à merveille les rouages socio-économiques de cette exploitation et, à travers une métaphore du cauchemar capitaliste et raciste, glisse doucement vers la dystopie.
Queen & Slim de Melina Matsoukas (2019)
Dans la lignée du couple en cavale de Bonnie and Clyde et Thelma et Louise, Queen & Slim suit un deux Afro-Américain, qui lors d’un contrôle routier abusif et raciste, tue en position de légitime défense un policier blanc. Les amants fuient en Floride, espérant échapper à un système judiciaire inique qui les enchaînerait à perpétuité.
Les Misérables de Lady Ly (2019)
Dans la même veine que l’incontournable La Haine, le “film de banlieue” trouve une nouvelle vie avec le Prix du jury du Festival de Cannes l’an dernier, Les Misérables. Stéphane intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93 où il fait la rencontre de ses coéquipiers, Chris et Gwada, deux « Bacqueux » expérimentés. De maraudes en embrouilles, Stéphane va découvrir ces quartiers mis de côtés par les tensions sociales et brutalisés par les bavures policières. En suivant Issa, un genre de gavroche 2.0, Ladj Ly livre un drame incandescent sur la réalité des violences policières subies dans les cités. Encore aujourd’hui, ce film résonne tel un puissant cri d’exaspération.
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