Trois journées de festival plus tard, et pas mal de points de vie en moins, il est l’heure de dresser le bilan 2019 d’un Primavera Sound qui a su tenir toutes ses promesses : des concerts épiques, un cadre urbain exceptionnel, un SEAT Village aux multiples facettes, avec l’esprit barcelonais comme moteur principal. Rosalía, Primal Scream, Robyn, Clairo, Boy Pablo… Quels sont nos coups de cœur de cette édition ? On y était, on vous raconte.
Les yeux rivés sur le sable, l’eau étincelante s’accordant aux rayons du soleil, il n’y a plus de doute concernant notre atterrissage imminent sur la piste d’El Prat de Llobregat Aeropuerto. La brise espagnole laisse présager le meilleur pour les heures à venir. Pas le temps de bronzer dans les rues pittoresques du centre historique de Barcelone, on se laisse guider jusqu’au nord-est de la ville, à quelques mètres du Parc del Fòrum, où l’on s’apprête à expérimenter notre première fois au Primavera Sound, aux côtés de SEAT, partenaire historique du festival. En Europe et encore plus ici, c’est l’événement musical de l’année. Et sa programmation nous faisait de l’œil depuis bien trop longtemps. Alors c’est parti pour l’aventure, nous sommes fins prêts à assouvir tous nos désirs et fantasmes de Primavera Sound.
Jour 1
Avant d’être baptisé par la foule sur l’une des seize (!) scènes dispersées à l’intérieur du gigantesque Parc del Fòrum, on part faire un tour au SEAT Village, lieu incontournable du Primavera Sound, situé idéalement au bord de la mer, au cœur des festivités. Premières choses que l’on remarque en enjambant les escaliers : la structure colorée « Created In Barcelona », impossible à rater, qui plonge tout de suite les festivaliers dans une ambiance festive et citadine. En plus de la musique, l’art urbain a toute son importance ici : des ateliers de customisation permettront tout au long du festival aux visiteurs de repartir avec un t-shirt, une casquette ou une banane personnalisée. Juste à côté, une fresque évolue en direct, au gré du talent et des envies de plusieurs artistes, eux aussi haut en couleurs. On y reviendra, soyez-en sûrs.
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21 heures, le soleil s’éteint peu à peu. Il est temps de retrouver Clairo sur la scène Pitchfork à cinq minutes du SEAT Village. Jeune égérie de la génération bedroom pop, Clairo a explosé sur YouTube en 2017 avec Pretty Girl. Ensuite, l’Américaine âgée de 20 ans n’a cessé de nous captiver avec ses titres à la fois blasés et mielleux, enregistrés depuis sa chambre. Cette fois en live, sa voix de velours sonne comme un mix improbable entre Charlotte Gainsbourg et Aaliyah. Nonchalante (ou encore endormie), la blonde toute vêtue de jeans enchaîne ses berceuses acidulées pour adulescents. Clairo termine son concert, en chœur avec le public, sur Pretty Girl et 4EVER. On ne regrette pas d’avoir manqué Chris.
La suite ? Après avoir profité des concerts de Sigrid et d’Erykah Badu, on continue notre soirée 100% féminine aux côtés de Charli XCX. Si elle a suivi le modèle conformiste de la pop star un temps, à l’époque des tubes Fancy, Boom Clap et Break The Rules, Charlotte Aitchison n’a plus rien à voir avec cette personne. Un ep et deux mixtapes en étroite collaboration avec PC Music plus tard, l’artiste déforme et réinvente la pop à sa manière. La preuve avec un set dynamite qui effrayera tous ceux qui attendaient l’ancienne Charli XCX. De notre côté, les baskets brûlent sur le dance floor de ce club en plein air. Grand moment de scène lorsque Christine and the Queens débarque sans prévenir, pour chanter un duo inédit, à paraître sur XCX3.
4 heures, la fatigue se fait ressentir sur nos paupières. Mais la nuit sera marquée une dernière fois par l’apparition quasi biblique de FKA Twigs, sur la plus belle scène du festival : l’amphithéâtre Ray-Ban. Unique en son genre, étrange, à contre-courant, parfois incompréhensible, souvent impénétrable, ce spectacle dénote de tout ce que l’on a pu voir plus tôt. Arrivée en monstre moitié angélique, moitié sataniste, FKA Twigs se mue ensuite en la créature que l’on reconnait bien, depuis l’autre bout de l’amphithéâtre en plein air. Le show est impressionnant, ultra précis, solennel. Personne n’ose parler. Les cris se libèrent quand l’interprète de Two Weeks exécute à la perfection un grand écart exceptionnel, à l’envers, perchée sur une barre de pole dance. On rentre juste avant le début de Cellophane, la fatigue a gagné.
Jour 2
Même lieu, même heure. En cherchant les têtes d’affiche de cette deuxième journée de Primavera Sound sur le programme, on comprend que les prochaines heures seront définitivement placées sous le signe de la pop. Intéressant d’ailleurs de noter que le festival espagnol a, depuis quelques années, délaissé le rock pour se tourner vers le rap, le RnB et la pop plus mainstream. Un peu avant 21 heures, Carly Rae Jepsen s’empare de la scène SEAT. Son attitude frivole lui permet d’enchaîner les titres avec une facilité assez déconcertante, dans une bonne humeur communicative. Pendant qu’elle reprend son méga tube Call Me Maybe (1,1 milliard de vues tout de même sur YouTube !) qu’elle ne doit vraiment plus piffrer, Carly descend dans le public afin de nous bénir un par un. Un fan français lui propose de repartir avec une baguette de pain, elle préfère attraper une épée gonflable au passage. Seul regret de cette grande récré : le titre All That produit par Blood Orange qui est évincé de la setlist, faute de temps.
Direction maintenant le SEAT Village, notre point de repère tout au long du séjour, où a déjà démarré le concert de La Tiguerita sur la scène hip-hop du festival, inaugurée en 2019. Ici, on peut découvrir les jeunes pousses du rap espagnol et international, comme le prouvera Little Simz le lendemain soir. Pour l’instant on savoure la petite victoire de La Tiguerita, spectaculaire lors de son passage. A 18 ans, son flow est déjà reconnaissable, sans doute à force d’entraînements pendant des battles de rap où elle était généralement toujours la seule fille. On se surprend d’ailleurs à écouter en boucle Tiguerita et FNT plus tard dans le week-end, dans notre chambre d’hôtel.
La soirée continue de plus belle aux côtés de Tame Impala et Robyn. Les premiers livrent un set plus que parfait – trop proche des versions studio pour certains – dans une tempête de lumières, de fumées et de faisceaux colorés. Ce trip psychédélique sort directement du cerveau de Kevin Parker, assez en retrait finalement, pour laisser la grande place à la musique, maîtresse du concert. Tube après tube, Tame Impala fait dans l’efficacité avec un son irréprochable, qui ne suffit pas à réveiller le public qui subit un petit coup de mou. Quelques minutes après, c’est au tour de Robyn de prendre place sur la scène SEAT. Tout en progression, en maîtrise, avec une dimension club assez dingue, la légende suédoise est tout simplement incroyable. Quel charisme, quelle justesse, quelle générosité. Robyn atteint les sommets au moment de reprendre avec le public ses tubes Dancing On My Own, Call Your Girlfriend et l’intemporel With Every Heartbeat, de toute beauté. La nuit s’arrête ici pour nous, après cette dernière communion intense.
Jour 3
Encore embué de la veille, affichant 10 heures de sommeil au compteur en deux nuit, on décide cependant de consacrer nos derniers pourcentages d’énergie pour l’ultime journée du Primavera Sound. Il est 18 heures. On sait déjà qu’on a raté une partie du concert de Tirzah à l’Auditori Rockdelux, mais désormais, on trottine sous le soleil, pour ne pas en manquer une minute de plus. Dans cet espace majestueux, à l’entrée du festival, entre quatre murs, elle est là. Avant de partir silencieusement, comme un fantôme qui viendrait de s’évaporer dans l’obscurité, l’Anglaise nous gratifie de Gladly et Affection. On ressort secoués, la lumière du jour nous ramène à la réalité. Changement d’ambiance sur la scène SEAT avec le groupe le plus cool de Norvège : Boy Pablo. Mené par Nicolás Pablo Rivera Muñoz, d’origine chilienne, et créé en 2015, le quintet s’inspire directement de Mac DeMarco et de toute la mouvance lo-fi, entre pop et rock. Ça saute partout, ça se dessape aussi, ça prend des poses de grands. Tout simplement la meilleure boum du week-end.
C’est l’heure de l’apéro, on reprend alors le chemin du SEAT Village afin de profiter d’un moment de détente et faire un break bien mérité après tous ces concerts. L’espace incontournable est conçu comme une bulle à part au Primavera Sound. Ici les festivaliers peuvent se poser, en sirotant un verre, en mangeant sur le pouce, ou en faisant une sieste express dans les transats avant qu’un concert prenne vie sur la scène hip-hop. C’est le meilleur spot pour profiter du festival, autrement, au cœur de la musique et de l’art urbain. Toutes nos batteries sont rechargées.
La lune prend le relai, juste à temps pour voir arriver l’artiste la plus attendue de cette édition : Rosalía, qui joue à la maison ce soir. Il s’en est passé des choses en quelques mois. Malamente a été le déclencheur pour l’ériger en pop star internationale. L’enfant du pays côtoie désormais d’autres poids lourds de la musique comme J Balvin ou James Blake. Un simple « Barcelona » suffira à mettre le public barcelonais en transe, après avoir fait une entrée incroyable sur Pienso En Tu Mira. Et nous aussi, avec. Du début jusqu’à notre départ précipité (on vous explique pourquoi plus bas), Rosalía nous coupe le souffle, notamment en compagnie de James Blake pour leur sublime duo Barefoot in the Park. La star du Primavera Sound 2019, c’est elle.
Malheureusement nous ne verrons pas Con Altura, Aute Cuture et Malamente en live, car on est déjà en train de courir à l’autre bout du festival, pour voir Lizzo qui a démarré son concert sur la scène Lotus. On aurait dû emprunter une trottinette électrique SEAT, également commercialisée en France, pour se déplacer de concert en concert. Lizzo sur scène ça donne quoi ? Sa personnalité « bigger than life » fait de son passage sur scène un vrai divertissement entre live music et one-woman show. Tour à tour, sur le ton de la plaisanterie, elle évoque la grossophobie, le racisme, le sexisme et la « toxic masculinity », toujours avant les bons mots, piquants et justes. Nos rires n’en finissent plus. Et il serait bête de réduire Lizzo à sa personne car en plus d’avoir le sens du show, elle chante et danse divinement. Le « Juice » a pris au Primavera Sound !
Dernier concert, derniers pourcentages de batterie, dernière danse. Et nos cavaliers ce soir seront Primal Scream, pour clôturer notre festival en beauté sur la scène Primavera. Le groupe légendaire de Glasgow est très en forme, Bobby Gillespie a libéré son aura, on est hypnotisés. C’est parti pour 1h10 de concert en suivant les rythmes de Movin’ On Up, Miss Lucifer, Kill All Hippies, Accelerator, Loaded et Rocks. Le cœur lourd, on traverse le festival une dernière fois, en rêvant déjà de la programmation de l’année prochaine.
Pour prolonger les plaisirs du Primavera Sound 2019, profitez de notre playlist :
https://play.soundsgood.co/playlist/les-inrocks-x-primavera-by-seat
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