Laurent Lafitte en présumé tueur en cavale dans le sud de la France. Un thriller social tendu, strié d’éclairs humoristiques bienvenus.
Quel plaisir de revoir un film de l’excellente et trop rare Patricia Mazuy ! Et quel titre punchy, telle une manchette de journal populaire ou une vieille antienne enfantine de Pierre Perret (“Tonton Cristobal est revenu”). Mais qui est ce Paul Sanchez qui revient aux Arc-sur-Argens, dans l’arrière-pays provençal, pas loin de Fréjus ? Un oncle ou fils prodigue ? Une vedette de la chanson ? Un héros local ? Le dragueur du collège ? Le meilleur danseur des boîtes et bals du coin ? Non, un dangereux criminel, dont on avait perdu la trace dix ans auparavant… Mais est-ce vraiment Paul Sanchez, ou son sosie, le vendeur de piscines local ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Patricia Mazuy joue avec beaucoup d’habileté sur deux pistes d’un égal pouvoir de fascination : le fait divers bien français, voire très provincial (on pense aux affaires de Jean-Claude Romand, du docteur Godard ou de Xavier Dupont de Ligonnès) et l’imaginaire cinéphile plutôt braqué vers les grands espaces du cinéma américain.
Un western en plein milieu du Var
Côté franchouille, elle cartographie le territoire et sa population, ses zones périurbaines entre ville et campagne, ses gendarmes qui travaillent à tenir la société avec peu de moyens, ses habitants qui pètent les plombs, accablés par trop de malheurs, de soucis, de chômage, de petits boulots pénibles, de difficultés financières, sociales ou affectives. A travers son poste de gendarmerie, Mazuy nous place aux premières loges pour observer cette France fort peu macronienne qui s’enfonce à l’écart de la start-up nation.
Côté mythologie cinéphile et horizon Technicolor, la figure de Paul Sanchez (ou son double ?), serial-killer séduisant (la loi d’Hitchcock !) interprété par Laurent Lafitte, acteur doté d’un physique de jeune premier hollywoodien, mais qui compose ici avec beaucoup de force un personnage foncièrement antipathique, misanthrope, largué, borderline, qui a trouvé de très mauvaises réponses (massacrer) à de très bonnes questions (qu’est-ce que cette société où tout semble fait pour que la majorité des gens ne s’épanouissent pas ?). Il y a surtout cette petite montagne rocailleuse de la région, massif aride et ocre, où Sanchez se réfugie, et que Mazuy s’approprie pour en faire son petit territoire de western en plein milieu du Var.
C’est un peu ça, Paul Sanchez est revenu !, un nouvel épisode tragicomique des Gendarmes (Louis de Funès) avec quelques gouttes de Raoul Walsh ou de Budd Boetticher dedans, ou si on préfère, du Bong Joon-ho en version gauloise. Comme beaucoup de cinéastes de sa génération, Mazuy rêve cinéma hollywoodien, mais contrairement à la plupart d’entre eux, elle assume sa francité, sa condition de cinéaste qui est née et travaille ici.
Une dinguerie contaminante
On n’a pas encore parlé des gendarmes : un commandant charismatique (excellent Philippe Girard), qui semble tout maîtriser et tout savoir de son métier au vu de son physique, de son grade et de son assurance, mais qui se gourre sur tout (d’où de légers effets comiques) ; à ses ordres, la débutante Marion (la remarquable Zita Hanrot, César de l’espoir féminin pour Fatima de Philippe Faucon en 2016), qui semble au contraire ne rien savoir, enchaîner les erreurs professionnelles, mais s’avèrera la plus futée dans la traque de Sanchez.
La dinguerie de Sanchez semble contaminer tout le corps social du pays, à moins qu’elle ne symbolise son état de déréliction avancée : gendarmes aux abois et à l’ouest, familles explosées, tensions ethniques et sociales, mères qui dépriment, pères de famille qui démâtent… Tout cela pourrait donner un film bluesy, angoissant, glauque, mais c’est tout le contraire. Sans gommer les aspérités et problèmes qui minent la société française, Mazuy fait preuve d’un humour, d’une énergie, d’une fermeté dans ses choix qui nous tirent vers le haut. Auteure de l’inoubliable Travolta et moi (1993), elle semble désormais parvenir à ne faire un film que tous les sept ans (Sport de filles datait de 2011, Basse Normandie de 2004…), ce qui est fort dommage pour notre cinéma. Restons plutôt sur la bonne nouvelle du moment et clamons : Patricia Mazuy est revenue !
Paul Sanchez est revenu ! de Patricia Mazuy (Fr., 2018, 1 h 51)
{"type":"Banniere-Basse"}