La série se démarque du tout-venant français par son charme déambulatoire.
La tentative est si rare qu’elle devient précieuse. La forme de la série d’une demi-heure, la plus pointue et la plus attractive aujourd’hui aux Etats-Unis, n’a eu droit qu’à la portion congrue dans le paysage français depuis des lustres. Il aura fallu que Zabou Breitman (seule réalisatrice des douze épisodes, accompagnée à l’écriture par la romancière Anne Berest) s’en empare avec un désir fort, pour qu’on ait enfin la chance d’en voir plus – la prochaine sur la liste, chez Canal+, sera l’adaptation de Vernon Subutex de Virginie Despentes.
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Paris etc. arrive avec ses atours de série féminine et chorale, l’histoire d’une poignée d’habitantes de la capitale, de la jeune oie blanche débarquée de sa province (Lou Roy-Lecollinet) à la mère quinqua en pleine crise de couple qui avance comme un ouragan de fragilité (Valeria Bruni Tedeschi), en passant par une traductrice en quête de reconnaissance (Naidra Ayadi), une jeune masseuse perchée (Anaïs Demoustier) et une matriarche secrète et dure (Zabou Breitman).
Ce casting chic et divers constitue un atout maître. Car le premier charme de la série est celui qui emporte les comédiennes dans un jeu avec les apparences de la féminité, comme si tous les personnages acceptaient d’incarner un cliché tout en s’en détachant par quelques petits pas de côté un peu déphasés, un genre de nonchalance partagée qui n’empêche pas la fureur des affects – il est question ici de tromperies, d’amours mortes et de vies glissantes.
L’ensemble manque parfois un peu de chair – bien que celle-ci revienne au galop lors de quelques moments marquants, dont un accouchement – et il arrive que le récit à plusieurs voix s’égare dans une sorte d’éther fictionnel pas toujours simple à identifier ni à aimer. Mais Paris etc. ne sombre jamais, fluctuat nec mergitur, toujours prête à remonter la pente et à offrir une surprise, un dépliage narratif inattendu, une escale sauvage.
Surtout, on ressent la force et la joie des actrices à ausculter à pied, en voiture etc., les méandres d’une ville dont la géographie éparpillée et les blessures plus ou moins visibles s’accordent à leurs états. Paris, deux ans après les pires attentats de son histoire, a droit à son chant d’amour déambulatoire au charme aérien, de la rue Bichat aux terrasses toujours là. “On flotte, tout flotte, la terre flotte”, dit un personnage. L’invitation mérite d’être entendue. Olivier Joyard
Paris etc. Le lundi, 20 h 55, Canal+ (à partir du 27 novembre)
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