La Une de Charlie Hebdo, qui prend à partie Edwy Plenel sur sa supposée complaisance avec Tariq Ramadan, n’a pas manqué de faire réagir. Mediapart répond à l’hebdo satirique dans un communiqué.
Comme souvent, tout commence par la Une de Charlie Hebdo. Sur fond vermillon, Edwy Plenel, directeur de Mediapart, se cache les yeux et les oreilles, à l’image des singes de la sagesse. En creux, l’hebdomadaire l’accuse d’avoir couvert Tariq Ramadan concernant de supposées agressions sexuelles. De quoi déclencher la colère du journaliste d’investigation. Et les réseaux sociaux de lui emboîter le pas.
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Mediapart dans le viseur de Charlie Hebdo
L’hebdomadaire satirique avait ouvert les hostilités dès la semaine dernière avec sa Une polémique sur Tariq Ramadan, accusé de viols sur mineures et d’agressions sexuelles. Cette semaine encore, la polémique squatte la Une du journal satirique.
« Nous défendons le droit à la caricature […] mais notre liberté, c’est de dire que la caricature n’autorise pas la calomnie, le mensonge, le n’importe quoi », s’est indigné Edwy Plenel au micro de RTL, mardi matin. L’ancien directeur de la rédaction du Monde ne décolère pas : ce n’est pas la première fois qu’il est accusé d’indulgence envers l’islamologue. Caroline Fourest, dans une note de blog, prend l’exemple de cette séquence, captée sur le plateau du Petit Journal en janvier 2015.
Le politologue Laurent Bouvet accuse lui aussi Edwy Plenel de « complaisance avec les islamistes ».
« Il n’y a eu aucune complaisance de la part de Mediapart envers Tariq Ramadan », se défend Jade Lindgaard, co-directrice de la SDJ (société des journalistes) de Mediapart. En effet, une enquête particulièrement fouillée datant d’avril 2016, signée Mathieu Magnaudeix, avait permis de faire la lumière sur le discours politique de l’intellectuel controversé.
Y a-t-il une affaire Mediapart ?
Le fondateur de Mediapart en profite au passage pour régler ses comptes. « Tous ces ouvriers de la vingt-cinquième heure qui disent qu’ils savaient, je leur pose une question : s’ils savaient, pourquoi n’ont-ils pas publié, n’ont-ils pas révélé ce qui aurait empêché qu’il y ait d’autres victimes ? », a-t-il demandé sur RTL, visant notamment Caroline Fourest. L’essayiste et militante laïque affirme avoir été en effet au courant des accusations pesant sur l’islamologue dès 2009. Mais à l’époque, impossible de révéler quoi que ce soit « sans preuves et sans plaintes », selon ses propres mots.
Chez Mediapart, on craint que le débat se focalise sur les mauvaises personnes. « Il serait dramatique que ce moment important de prise de parole sur les violences sexuelles se réduise à une simple affaire Tariq Ramadan ou une simple affaire Mediapart », affirme Jade Lindgaard. La journaliste pointe du doigt « un risque de refermer un moment collectif important sur une seule figure d’intellectuel controversé ».
Arrêt sur mirage
La polémique enfle lorsque Daniel Schneidermann entre dans l’arène médiatique. Dans une chronique publiée sur le site d’Arrêt sur Images, reprise dans L’Obs, le journaliste accuse explicitement Mediapart d’avoir été au courant des accusations qui pesaient sur Ramadan. Mathieu Magnaudeix, à l’origine de la longue enquête sur l’islamologue, décrit Tariq Ramadan comme un « bon vivant ».
Alors ce matin, j'essaie calmement de comprendre pourquoi @mediapart n'avait rien perçu sur Ramadan. Malgré un mois d'enquête. https://t.co/V5gRM2TFBx #restonscalmes #mêmeen280signes
— Daniel Schneidermann (@d_schneidermann) November 8, 2017
« ‘Bon vivant’: à l’époque de l’omerta médiatique sur la sexualité des puissants [cela] pouvait signaler, au choix, un comportement libertin, ou celui d’un prédateur sexuel », croit comprendre Schneidermann. Chez Mediapart, on récuse totalement l’analyse. « À aucun moment de son enquête, Mathieu Magnaudeix n’a eu connaissance de témoignages portant sur des accusations d’agression sexuelle ou de viol de la part de Tariq Ramadan », explique Jade Lindgaard. Le terme « bon vivant » de Mathieu Magnaudeix sous-entendait en réalité les « infidélités conjugales » de Ramadan, selon Mediapart.
Dans un live diffusé mercredi soir, Mathieu Magnaudeix confirme. Un ancien compagnon de route de Tariq Ramadan aurait assuré au journaliste : « Il est dans la fornication et l’alcool ». Aucun témoignage évoquant de possibles accusations d’agressions sexuelles, donc.
Le communiqué de Mediapart l’affirme, il y aura une suite à l’enquête Tariq Ramadan. Cette fois, le site d’investigation tâchera bel et bien de faire la lumière sur les accusations sexuelles qui pèsent sur l’universitaire mis en congé de l’université d’Oxford.
Valls au tournant
Du côté des proches de Manuel Valls, on se réjouit de la polémique qui éclabousse Tariq Ramadan, et on se félicite de la Une de Charlie. Comme le montre ce montage vidéo sur fond de Stromae.
https://twitter.com/Meguini/status/928357575522996234
Il n’en a pas fallu plus pour qu’Edwy Plenel rattache l’hebdomadaire satirique à une certaine ligne politique. « La Une de Charlie Hebdo fait partie d’une campagne générale, que la nouvelle direction de Charlie Hebdo épouse, [menée par] Monsieur Valls et d’autres qui le suivent » a-t-il déclaré au micro de France Info. Sûrement en réaction aux accusations de l’ancien Premier ministre sur Twitter.
https://twitter.com/manuelvalls/status/928165184673341440
Comme le craignait la journaliste Jade Lindgaard, le débat semble se muer en une guerre intermédiatique, à coups de tweets. Pendant ce temps, le débat s’éloigne lentement mais sûrement du véritable sujet : les violences faites aux femmes.
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