Arides, minimalistes, défricheuses, gigantesques ou imaginaires : les grandes expositions de l’automne s’offrent comme un reflet plus ou moins fidèle, plus ou moins inversé de notre monde en crise.
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En octobre, une semaine avant la Fiac à Paris, la foire Frieze de Londres ouvrira un nouvel espace consacré aux “masters” de l’art moderne et contemporain. Sous cette enseigne, on placera donc les rétrospectives monstres de l’automne : Edward Hopper au Grand Palais, Salvador Dalí en novembre au Centre Pompidou, en attendant l’inauguration le 4 décembre du Louvre-Lens. Sur un versant plus contemporain, un maître de l’après-modernisme et de l’ironie s’installe à Beaubourg : Bertrand Lavier, dont les objets peints, soclés, accidentés ou superposés remettent en cause les principes établis de l’art.
Mais le mastodonte de la rentrée et du marché de l’art reste bien Anselm Kiefer. Coup double pour le génie heureux de la Melancholia : l’artiste inaugure une ancienne usine de Pantin, transformée en galerie d’art par le marchand Thaddaeus Ropac, ainsi qu’un énorme show-room de luxe installé au Bourget par la galerie Gagosian, histoire de capter la clientèle huppée sur le tarmac des jets privés.
et aussi Annette Messager au musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg, Sophie Calle à la galerie Perrotin, Cindy Sherman à la galerie Gagosian, Fabrice Hyber au palais de Tokyo et au Mac/Val.
Ambiance dure (et contexte de crise)
En invitant le très politique Antoni Muntadas, artiste multimédia et véritable décrypteur du pouvoir comme des médias, le Jeu de paume lance une saison ouverte aux artistes réfractaires, dissonants, épris de critique sociale. Dans la ville de Malines, en Belgique, soixante-dix artistes interrogent la situation des droits de l’homme sous le titre faussement euphorique de Newtopia.
Ça va être dur aussi à la galerie Triple V avec les sculptures-machines autonomes et souvent inquiétantes de Delphine Reist, et ce sera électrique au Centre Pompidou avec le grand solo-show du turbulent Adel Abdessemed, tandis qu’au musée d’Art moderne de la Ville de Paris la jeune Bertille Bak se penche avec douceur sur certaines communautés sociales. Signe des temps de crise : une exposition au Grand Palais, consacrée au thème et au mythe artistique de la bohème.
et aussi Akram Zaatari au Magasin de Grenoble
Fantasy
Invariablement associé à la dérive et au voyage, l’imaginaire tient le haut du pavé en cette rentrée et, de Lille (avec Lille3000 et son épopée fantastique et grand public) au palais de Tokyo (où le curateur Julien Fronsacq se penche sur le frémissement et fait œuvre en compagnie de Dove Allouche, Pierre Vadi ou Trisha Donnelly), déploie son spectre comme une ombre planant sur le ciel de l’art. Rêveries et fantasmes (SM ?) sont aussi au programme au Mac de Marseille, qui ressuscite avec une expo consacrée à Édouard Levé, alors que l’Islandaise Eija-Liisa Ahtila refait surface au Carré d’art de Nîmes.
À l’occasion du prix Ricard, le tandem Chloé Maillet et Louise Hervé (également présent dans la très politique expo L’Homme de Vitruve au Crédac d’Ivry-sur-Seine) devrait encore nous balader avec un film d’épouvante muet qui décrit la confrontation entre un homme et son papier peint. Enfin, puisque le fantastique s’autorise toutes les digressions, il n’est pas interdit de visiter l’expo Cheveux chéris au Quai Branly, au sujet ô combien psychanalytique.
et aussi Markus Shinwald au palais de Tokyo
A minima
Sèches et intello mais cultivant une vraie liberté de circulation dans l’histoire de l’art, des formes et des matériaux, les œuvres a minima de Charlotte Moth chez Marcelle Alix ou du Thaïlandais Pratchaya Phintong chez gb agency constituent des condensés ultra-compacts jurant au sein de la réunion de mastondontes de la rentrée. Au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, Roman Ondák prendra appui sur l’architecture et l’histoire du bâtiment, tandis que les artistes sélectionnés pour la promotion “Évocateur” du prix Ricard (Mathieu Kleyebe Abonnenc, Katinka Bock, David Douard…) proposeront des oeuvres-ricochets rebondissant sur les aspérités du monde.
Eclaireurs de formes
Dans la catégories de ceux qui laissent les formes se faire et se défaire au gré de la matière et de gestes déplacés, on est curieux de voir comment Michel Blazy répandra au Frac Île-de-France/Le Plateau mousses savonneuses, bave d’escargot ou concentré de tomates. De son côté, Fabrice Hyber a prévu d’inonder le sol de son exposition Matières premières, au palais de Tokyo, d’un marécage visqueux, composé de tous les ingrédients qui entrent dans la fabrication des images. La jeune Jessica Warboys, avec ses peintures réalisées à l’eau de mer et au clair de lune, renforce, à la galerie Gaudel de Stampa, le penchant matiériste de cette rentrée artistique. De même, Gyan Panchal, chez Frank Elbaz (qui a déménagé rue de Turenne), frotte des éléments bruts contre des surfaces et des matériaux synthétiques, histoire de dissoudre la chimie dans l’écologie, et vice-versa. On pourra également voir ses sculptures à la biennale de Rennes qui, intitulée Les Prairies par la commissaire Anne Bonin, se propose de suivre la vie des formes, “la manière dont elles nous habitent autant que nous les habitons”, avec aussi Guillaume Leblon ou Katinka Bock en guise d’éclaireurs.
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