Grâce à une nouvelle génération de cinéastes femmes et féministes, réunies sous le collectif New Level of Pornography, le X suédois épure ses lignes, ose les expérimentations formelles et multiplie les plaisirs.
Comme pour les Nouvelles Vagues française ou roumaine, l’histoire devrait retenir qu’un courant pornographique féminin/féministe irrigue actuellement la Suède. Le collectif New Level of Pornography (un joli nom pour groupe de rock) rassemble sur son site des réalisatrices avec des envies d’un X différent, alternatif. Parmi elles, on connaît déjà les noms d’Erika Lust (le site XConfessions, qui transforme les fantasmes soumis par les internautes en sémillants petits films) ou de Ninja Thyberg, dont le court Pleasure (Semaine de la critique 2013) racontait sans putasserie la préparation d’une actrice porno à une double pénétration anale sur un tournage.
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« On caresse une papaye entre deux cuisses ouvertes »
Le site de New Level of Pornography a beau proposer quelques photos arty ou poèmes, ce qui y compte surtout, ce sont les variations possibles sur le plaisir filmé des femmes. Par exemple, autour de la formule coquinerie + nourriture, Lust compose un menu bio de bon goût avec le court Eat… With Me : on se dévergonde après le dîner, l’ambiance est tamisée, le sexe sans gras. Thyberg verse, elle, dans l’expérimental, la cuisine moléculaire avec Våt : on caresse une papaye entre deux cuisses ouvertes, fragmente les plans, travaille sur les textures et les liquides.
Audelà du choix ou non du classicisme, le point fort de ces cinéastes est une morale constante du gros plan pornographique : lorsque celuici a une valeur chirurgicale et bouchère, dans le gonzo par exemple, nos Suédoises investissent heureusement un peu plus de mystère dans l’image d’une bouche ou d’un sexe. Dans Female Fantasy de Zara Kjellner (instigatrice du collectif) et Alicia Hansen, sur une jeune femme fantasmant sur son beau voisin à l’arrêt de bus, un gros plan s’attarde sur une cuisse masculine après une caresse. Son frémissement quasi imperceptible – si ça se trouve, on l’a imaginé – y a la même valeur qu’un sexe féminin mouillé.
« On fragmente les plans »
Si, à l’instar du planséquence roumain, ce film et ceux de Lust entretiennent un futur cliché d’un porno scandinave (lumière douce, légèreté, épure des lignes mais au risque de friser la standardisation d’un meuble Ikea), les courts de LoFi Cherry ouvrent de nouveaux espaces, et même de nouvelles espèces. Ils flirtent avec le hentai, le fétichisme du porno japonais pour les tentacules, mais revisité ici façon SF fauchée et artisanale : Space Labia met en scène les ébats de femmes aliens dont l’usage de cordes, de tétons en plastique supplémentaires et de ballons en guise d’organes génitaux est d’abord festif.
Même ambiance de déglingue dans le bien nommé Destruction of Dude, où une autre “créature” (Emy Fem, performeuse et travailleuse du sexe allemande) réveille les instincts queer de deux hipsters berlinois bien peignés, vite soumis et titillés avec des gants de vaisselle et balais de toilettes transformés en membres cronenbergiens. La mutation du porno serait donc là, au nord mais aussi complètement barrée, à l’ouest. North by Northwest : Hitchcock, autre coquin amateur de beautés de type suédois (Ingrid Bergman, Tippi Hedren), avait bien sûr déjà tout compris.
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