“To spread”, “spreading”… C’est le verbe le plus conjugué dans la saison 2 de Stranger Things. Les enfants investigateurs, les scientifiques en observation, le flic enquêtant en solo, tous l’emploient et butent sur ce diagnostic : quelque chose s’étend, s’étale, se propage.
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https://youtu.be/vgS2L7WPIO4
Sous la petite ville mid-eighties, tout un embranchement de boyaux se creuse ; un organisme aux allures de plante grimpante toxique court sur toutes les parois ; une mère affolée déploie sur tout le sol et les murs de sa maison les dessins de son garçonnet pour composer un vertigineux puzzle en constante expansion ; sur un moodboard, un journaliste entasse les Post-it, les coupures de presse, des récapitulatifs de faits et c’est comme si l’arche qui avait présidé à la fabrication de la série pointait son ossature saillante sous la fine épaisseur de peau fictionnelle.
Un nouveau grand moment spéculaire
Dans cette saison, où des personnages ont été ajoutés, où les monstres ont des incarnations plus nombreuses, où chaque élément se ramifie et pullule, tout réfléchit la forme, arborescente, de la série – de toute série.
Du traité méthodique, dans Westworld, de la façon dont un showrunner construit, programme, reprogramme ses personnages, à la réflexion sur l’acte de raconter dans The OA, la série contemporaine vit un nouveau grand moment spéculaire.
La saison 2 de Stranger Things (plus discursive encore que la première) marque une nouvelle avancée dans le méta en modélisant la façon dont la forme proliférante de la série ressaisit les fétiches nostalgiques du cinéma.
On n’en finirait pas d’énumérer les citations cinéphiles de ST2 : les très identifiées (Spielberg, Stephen King, etc.) aux plus subtiles (le brouillard criminel de The Fog, une gueule de prédateur qui s’ouvre en corolle comme dans The Host, une société underground de mutants à la X-Men).
Un monstre rampant, carnassier et tentaculaire
Les personnages vivent dans le monde rétro du cinéma. Et cette doublure de leur réalité qu’ils appellent le monde à l’envers, c’est la forme même de la série, son protocole. La forme-série, c’est ce monstre rampant, carnassier et tentaculaire qui les hacke, dévore la substance qu’elle imite.
Il y a une vraie violence dans la mise en scène de prédation et la saison 2, vraiment éblouissante de maîtrise narrative et spectaculaire, frappe par sa montée en gore et en effets de suspense terrorisants. Peut-être parce que l’enjeu de ce suspense n’est rien moins que ce qu’il restera du cinéma après une telle opération de digestion. Mais quoi qu’il en soit, le festin est grandiose.
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