Malgré l’évacuation de la »Colline du crack » fin juin, de nombreux toxicomanes sont revenus. Le maire du XVIIIe, Eric Lejoindre (PS) a demandé au gouvernement un »plan crack » pour y remédier.
Elle devrait être déserte, abandonnée seulement au regard indifférent des automobilistes empruntant le périphérique qui la cerne. Rien n’est moins sûre. Aux abords de la Porte de la Chapelle (XVIIIe), la ‘’Colline du crack’’, évacuée fin juin par les forces de l’ordre, est toujours bien occupée par plusieurs dizaines de toxicomanes. Le maire de l’arrondissement, Eric Lejoindre (PS), a réclamé hier un ‘’plan crack’’ au gouvernement, demandant notamment l’obtention de structures pour accueillir cette population et limiter son retour.
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Et un plan ‘’qui va beaucoup plus loin que la simple problématique de la Colline, nous explique Eric Lejoindre souhaitant un plan d’action en trois points. D’abord une lutte contre le trafic en lien avec la police. Puis, une vraie politique médico-sociale pour sortir les addicts de la précarité tout en leur fournissant un suivi médical pour les soigner. Enfin, une métamorphose du paysage urbain pour limiter ces concentrations.’’ Dans une lettre adressée à la Ministre de la Santé Agnès Buzyn, et co-écrite avec François Dagnaud et Frédérique Calandra , les maires respectifs du XIXe et XXe arrondissement, Eric Lejoindre a fait part de son constat récent d’une sorte de ‘’recrudescence du crack dans l’espace public, et notamment du XVIIIe’’ où il propose ces solutions. Une manière de tirer la sonnette d’alarme, même tard, pour un problème déjà bien connu.
Un problème récurrent et ignoré
Évacuée plus d’une quinzaine de fois depuis le milieu des années 2000, le problème de la ‘’Colline du crack’’ n’a jamais été un secret bien caché. Cette ‘’Colline’’, c’est ce discret talus bordant le périphérique à quelques centaines de mètres de la Porte de la Chapelle. Selon un rapport publié en mars dernier par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, une centaine d’addicts en moyenne y transitent chaque jour pour acheter et consommer, parfois sur place, du crack, ce stupéfiant fumable à base de cocaïne. Un espace marqué par la persistance du trafic en dépit des évacuations forcées, mais aussi de la prostitution, quasi récurrente chez les femmes toxicomanes.
Du côté des commerçants, c’est le ras-le-bol qui domine, doublé du haussement d’épaules de ceux qui ne répondent plus aux journalistes parce qu’ils ne croient plus à un changement possible : ‘’il n’y a rien à dire. Tout est acté. C’est toujours l’anarchie’’, s’énervait un restaurateur partagé entre colère et résignation. Un autre précise ‘’ j’ai perdu 30% de ma clientèle parce qu’elle ne peut plus se mettre en terrasse. Si les migrants viennent faire la manche, les toxicos, eux, s’y installent et ne veulent pas bouger quand on leur demande. Et comme ils peuvent être violent rapidement, on ne dit plus rien’’.
Entre les toxicomanes et les riverains: les migrants
A peine deux cents mètres plus bas, entre la Colline et la Porte de la Chapelle, au 56 boulevard Ney, une concentration de migrants perdure encore. Rien à voir avec les 2 500 évacués l’année dernière, mais quand même. Plus de 700 exilés s’agglutinent chaque matin autour du maigre et temporaire local de l’association de Solidarité Migrant Wilson. Ce matin, dès 9h30, plus de 200 se tassaient déjà sur le trottoir et ses alentours. L’association distribue des vivres et autres produits de première nécessité. Ici, bouteilles d’eau vides, déchets et boîtes de médicaments jonchent une avenue embouteillée par voitures et migrants. Problème : depuis deux mois, la mairie a enlevé ses rampes d’eau.
Quelques dizaines de migrants regroupés autour de chargeurs électriques pour recharger portables mais aussi lampes de poche.
Pour y pallier, l’association offre ‘’sa propre fontaine’’, c’est-à-dire une sorte de chaudron rempli par un tuyau d’arrosage pompant directement l’eau du local. D’autres câbles s’étalent sur la place pour, cette fois-ci, fournir de l’électricité. Une situation intenable accentuée par la présence des toxicomanes délogés de leur ‘’colline’’. ‘’Chaque fois c’est un vrai cirque. Parfois, migrants et toxicos en viennent aux mains et même prennent des bâtons pour se battre. Une fois on a dû appeler les CRS’’, raconte Saïda, militante de l’association. Résultat : des conditions dignes d’un petit bidonville, avec un niveau d’insalubrité rare dans l’hexagone. ‘’En fait, on est comme le Brésil. Ils ont leurs favelas, et nous nos camps sauvages, continue Saïda. On va rendre la place propre juste le temps des JO d’ici 2024, et sans soucier de ces populations et de leur futures’’, nous dit-t-elle excédée.
Karima, militante de l’association Solidarité Migrant Wilson, avec la »fontaine » de l’association, une des seule source d’eau potable pour les migrants.
La situation devrait s’améliorer. Hier, la mairie a rouvert une rampe d’eau à quelques dizaines de mètres du local, et prévoit également des toilettes publiques. Mais il faudra bien plus de moyens et d’investissements pour assurer des conditions d’hygiènes dignes pour ces migrants, mais également venir à bout de cette poche de résistance, la drogue défiant encore et toujours les élus. Et espérer que cette ‘’demande d’Eric Lejoindre à la mairie de Paris ne soit pas juste une réaction à la pression médiatique’’, espère Pierre Liscia, élu LR du XVIIIe, qui avait déjà interpellé Anne Hidalgo sur le sujet en mai dernier dans une vidéo.
Madame @Anne_Hidalgo, avez-vous déjà essayé de résoudre les problèmes plutôt que de vous contenter de les déplacer ? #Paris18 #PortedeLaChapelle #crack #PlacedeLaChapelle pic.twitter.com/5YRknzAGUa
— Pierre Liscia (@PierreLiscia) July 9, 2018
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