Gigantisme, la nouvelle triennale de Dunkerque, invite à une contre-histoire de l’art qui replace la modernité européenne et française au contact de ses racines vernaculaires – le design, le graphisme et la technologie.
Avec un événement appelé Gigantisme, le pire était à craindre. On croyait les voir d’ici, les installations sensationnelles parachutées dans la ville. Heureusement, il n’en est rien et l’inauguration de la première édition de la triennale de Dunkerque relèverait plutôt de l’exact opposé.
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Placé sous le quadruple commissariat de Keren Detton et Sophie Warlop, respectivement directrices du Fonds régional d’art contemporain (FRAC) Grand Large et du Lieu d’art et action contemporaine (LAAC) à Dunkerque, et des commissaires invités Grégory Lang et Géraldine Gourbe, l’événement s’organise en deux volets.
Des projets dans la ville et une exposition
Soit une série de projets dans la ville et ses alentours ainsi qu’au rez-de-chaussée de la Halle AP2 du Frac, et une exposition s’efforçant au fil des salles du Frac et du Laac d’échafauder une contre-histoire de la modernité.
Plutôt que le titre, le sous-titre de la manifestation, Art et Industrie, donne le ton. Les installations in situ (dont Anita Molinero, Delphine Reist, Tatiana Trouvé, Tania Mouraud ou Nathalie Brevet_Hughes Rochette) emboîtent le pas à une tradition de mécénat d’entreprises locales active depuis les années 1970, dont les collections ont permis de constituer le Laac.
A partir de celles-ci, centrées autour de l’art français des années 1945-1980, l’exposition propose quant à elle une contre-histoire des avant-gardes. Cette contre-histoire relève en réalité davantage d’une histoire élargie.
Alors que le récit autorisé des avant-gardes se construit sur l’autonomisation de l’art et la translation de son cœur de Paris à New York au mitan des années 1960, les commissaires tentent d’enjamber cette double coupure afin de proposer une histoire française de la modernité artistique dont les développements évolueraient en étroite interaction avec les progrès technologiques et les défis sociétaux.
Ecriture enlevée au Laac
C’est au LAAC que l’écriture est la plus enlevée, à la faveur de petits ensembles thématiques. Une salle met en regard le travail sur le signe des lettristes (Isidore Isou) ou de la poésie concrète (Bernard Heidsieck) et les pictogrammes d’autoroute élaborés dans les années 1970 par le graphiste Jean Widmer.
https://www.youtube.com/watch?v=BikpGjCvhps
Une autre traite des villes nouvelles à partir de plans et de maquettes d’artistes comme Yona Friedman (autour de l’habitat modulaire) et de Jacques Monory (projetant de transformer la montagne Sainte-Geneviève à Paris en lupanar géant).
Exposition muséale au Frac
Au Frac, le propos s’enlise quelque peu, le format de salles plus ouvertes obligeant également à jouer de subterfuges visuels proches de la period room pour mêler art et design. Si le parti pris d’une exposition muséale surprend, la question est d’actualité. Un événement comme une triennale permet de la poser, et de la poser plus rapidement, rejoignant alors d’autres positionnements similaires.
Parmi les expositions récemment passées ou en cours : la rétrospective Victor Vasarely au Centre Pompidou à Paris saisie à travers ses liens à l’industrie (tout court ou du divertissement) et Pattern, Crime & Decoration au Consortium à Dijon, retraçant l’histoire d’un mouvement américain des années 1970-1980 qui mêle domestique et décoratif, art et artisanat.
Gigantisme. Art & Industrie, Jusqu’au 5 janvier, Dunkerque
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