Intik revient avec un deuxième opus grave et bilingue français-arabe, une merveille de hip-hop fureteur et sensuel. En janvier 2000 sortait le premier album d’Intik. Quatre visages de garçons tourmentés en guise de présentation et une musique jamais entendue que personne n’attendait vraiment. Ce trip-hop sombre et mélodieux qui venait d’Alger réussissait la fusion/confusion de […]
Intik revient avec un deuxième opus grave et bilingue français-arabe, une merveille de hip-hop fureteur et sensuel.
En janvier 2000 sortait le premier album d’Intik. Quatre visages de garçons tourmentés en guise de présentation et une musique jamais entendue que personne n’attendait vraiment. Ce trip-hop sombre et mélodieux qui venait d’Alger réussissait la fusion/confusion de plusieurs genres musicaux (rap et raï, chaâbi et reggae), de deux langues (arabe et français) et de toutes les émotions qu’elles peuvent véhiculer à tous les locataires de la Terre.
Confirmation avec La Victoire, deuxième album du groupe, installé en France depuis déjà trois ans. Et ça se remarque : des expressions comme « la maille », « les condés », « une bête de carrossa » ont fait leur apparition dans le lexique des Intik. Géographiquement, ils sont passés de l’état d’urgence à Alger à « la souffrance/dans l’maquis des HLM de France » (in Génération PA). Mais leur musique, même si elle semble souvent habitée, ne connaît ni dieu ni patrie. Dès les premières mesures, on retrouve intacte l’étrange âpreté musicale du premier album. Sans se départir d’une dextérité mélodique à donner le vertige, le deuxième album renforce par d’innombrables trouvailles le cachet particulier de ce trip-hop à tête chercheuse… Toujours la même audace pour les agencements incisifs entre plusieurs styles qui ont d’habitude peu d’atomes crochus : les tablas résonnent le plus naturellement du monde dans un trip-raï plaintif, les cuivres sont utilisés aussi pour remplacer la basse reggae. En sourdine, le oud (luth arabe) sonne blues dans un déluge de beats hip-hop.
Youssef Seddas, leader du groupe et compositeur de toutes les musiques du disque, distille avec une certaine jubilation un malaise récurrent. Car comme on peut l’imaginer, La Victoire qui ouvre, clôt et donne le titre de cet album imprégné par les conflits du monde d’aujourd’hui ne parle que de défaites. Dans la version originale en franco-arabe de La Victoire, on sent le mieux les tensions vives et nerveuses de son propos militant.
Malheureusement, il semblerait que l’arabe fasse encore peur sur nos ondes : c’est donc une version expurgée des couplets en arabe qui va servir de lancement au disque. Autre note discordante, la pochette évite résolument toute référence maghrébine : les textes en argot algérois où le groupe s’attaque frontalement à la dictature militaire en Algérie et aux rapports dangereux qu’elle entretient avec l’intégrisme ne sont ni traduits ni retranscrits.
De ces contraintes, Intik a fait la plus belle chanson de l’album : Khallini. Sur un refrain populaire emprunté à Raïna-Raï, Youssef Seddas règle ses comptes en français à la sono-mondialisation arrogante (« Laissez-moi dire ce qui me plaît/L’art a plusieurs formes il faut pas le formater »), n’hésitant pas, dans un couplet, à vocoder sa voix pour mieux jouer avec « l’monde de l’artifice ». Autre succès potentiel, Je m’en fous, reggae léger sur un sujet qui l’est beaucoup moins pour tous ceux qui ont le teint (et le moral) basané(s) à Paris, Londres ou NY. Même amère, la victoire nouvelle d’Intik se boit avec plaisir.