La petite sœur française de Fleabag, comédie triste sur une trentenaire endeuillée, s’appelle Mouche : une adaptation qui avance en terrain balisé avec pour mérite d’imposer une héroïne complexe, incarnée par Camille Cottin.
Une précision s’impose pour les amoureux.ses de Fleabag, qu’on espère nombreux.ses depuis que sa deuxième saison magnifique – disponible sur Amazon Prime Video – a tout emporté sur son passage. Ce remake français de la création géniale de Phoebe Waller-Bridge ne leur est pas destiné en priorité.
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Quiconque voudrait retrouver le même frisson sera forcément chamboulé.e, puisque l’histoire et ses rebondissements sont à peu près les mêmes que dans la première saison de l’original, avec le cachet de l’intimité et de l’autofiction en moins.
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La créatrice de Fleabag avait débuté l’aventure par un spectacle seule-en-scène qui était devenu une série, tandis qu’ici, ce sont des personnes extérieures au projet initial qui en donnent leur version amoureuse. En premier lieu Jeanne Herry, choisie par Canal+ pour réaliser les six épisodes de Mouche. Précisons que la série a été rebaptisée d’après le surnom que sa famille donnait à Camille Cottin, l’actrice principale, pendant son enfance.
Emotion brutale avec une attention de copiste
Pour qui n’aurait jamais entendu parler de Fleabag, on rappellera qu’il s’agit (dans la première saison revisitée ici) du trajet d’une jeune femme trentenaire, en apparence classique dans le contexte contemporain des séries féministes post-Girls. Déphasée dans sa vie amoureuse, elle avance à pas comptés à travers des aventures plus ou moins sinistres, tout en gérant ses relations complexes à sa famille – sa sœur, son père remarié depuis que sa mère est décédée.
Cette structure se double d’une deuxième lame fictionnelle, structurée autour d’une histoire bien plus noire, en relation avec sa meilleure amie morte dans des circonstances tragiques. En quelques épisodes, nous passons de la chronique d’une vie presque ordinaire à la féroce expérience du deuil.
Mouche se glisse dans ce monde d’émotion brutale avec une attention de copiste, respectant souvent au mot près et au cadre près les inspirations de la série originale. Quelques changements ont lieu, une poignée de scènes rajoutées et d’autres déplacées – notamment l’ouverture du premier épisode –, mais rien de radicalement différent.
Un rôle difficile à assumer pris à bras-le-corps
Ce qui change par la force des choses – hormis le contexte et les décors français, la série étant située à Paris et non à Londres comme sa grande sœur –, ce sont les corps. India Hair, qui incarne la meilleure amie de l’héroïne, apporte une fragilité immédiate et bien vue.
Mais c’est sur Camille Cottin que se pose le regard, dans un rôle difficile à assumer qu’elle prend à bras-le-corps. Mouche est une fille à la fois légère et amusante, qui s’adresse à la caméra avec un humour pince-sans-rire ravageur – dispositif sublimé de manière inoubliable par Phoebe Waller-Bridge dans la deuxième saison de Fleabag –, mais aussi une jeune femme dure et sombre, comme détachée d’elle-même.
Cette césure du personnage est la plupart du temps présente, même si la puissance du texte de Phoebe Waller-Bridge n’est pas toujours simple à honorer. Cottin a pour elle une forme d’inquiétude, en même temps qu’une intéressante manière de feindre l’indifférence, comme si tous les événements la traversaient sans l’atteindre, jusqu’au point de rupture.
Presque mine de rien, elle est devenue l’une des actrices centrales des séries françaises, dans des rôles féminins novateurs. Une rareté en soi. Elle est nourrie ici – et nous qui la regardons également – par le souvenir d’Andréa dans Dix pour cent.
Elle sera bientôt au cinéma dans l’excellent Chambre 212 de Christophe Honoré (sortie le 30 octobre) qui vient d’être présenté au Festival de Cannes, avec un rôle à la fois mélancolique et joueur, celui d’une prof de piano amoureuse de son élève. De quoi s’ouvrir à un nouvel imaginaire.
En parlant d’imaginaire, on regrettera tout de même qu’il faille passer par un remake pour voir une série française mettant en scène une femme compliquée abordant des thèmes sexuels et sombres, ainsi qu’une histoire à combustion lente qui ne cède pas aux sirènes du polar et des chemins attendus. Ce qu’on attend vraiment, c’est une série française à la hauteur de Fleabag.
Mouche de Jeanne Herry, avec Camille Cottin, Anne Dorval, Didier Flamand. Saison 1 à partir du 3 juin sur Canal +
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