Désigné en 2019 par les juges d’instruction, le psychiatre Daniel Zagury, chargé d’analyser les rapports entre l’islamologue suisse et les plaignantes, a rendu ses conclusions.
Les accusatrices de Tariq Ramadan étaient, en partie, sous « emprise », selon les conclusions du rapport du psychiatre Daniel Zagury, consultées mardi 19 avril par l’AFP. Désigné en 2019 par les juges d’instruction, il était chargé d’analyser les rapports entre l’islamologue suisse et les plaignantes. Il estime que celles-ci ont accepté d’avoir des relations intimes avec Tariq Ramadan mais n’ont pas consenti aux actes sexuels d’une « extrême violence » qu’il leur a fait subir, rapporte l’AFP.
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Comme le rappelle Le Monde, le terme d' »emprise » n’est pas défini dans le Code pénal. Alors face à la complexité de cette notion, Daniel Zagury en a donné une définition précise dans son rapport : « L’emprise est constituée par un ensemble de mécanismes et de processus qui permettent à un psychisme d’exercer tout pouvoir sur un autre psychisme, à son seul bénéfice et sans tenir compte du désir propre de l’autre ».
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Un rapport pour éclaircir cette notion d' »emprise »
Cette notion, déjà évoquée dans l’affaire, avait été « vivement contestée par la défense », explique l’AFP. Notamment à cause de la divulgation d’échanges entre les plaignantes et Tariq Ramadan, qui avait mis ces dernières en difficulté, les enquêteurs les jugeant « ambivalents » poursuit le média. Dans ce rapport, le psychiatre considère que cette notion d’emprise concerne surtout les relations qu’entretenait l’islamologue avec les deux principales plaignantes : Henda Ayari, et une femme surnommée Christelle, qui l’accusent toutes les deux de viol, respectivement en 2012 et en 2009.
Le concept d’emprise « éclaire essentiellement la phase postérieure aux faits, rendant compte de l’ambivalence des sentiments et réactions et de la persistance du lien dans la durée » a-t-il détaillé. Concernant Mme Ayari, « pour la phase antérieure, il convient de considérer également l’intensité des sentiments amoureux qui l’ont amenée à consentir à une relation sexuelle », poursuit-il. Il rappelle également qu' »il serait erroné de considérer que seule l’emprise a conduit [Christelle] à consentir à une rencontre sexuelle ». Mais la conclusion de l’expert concernant les deux femmes est la même : « Ce à quoi elle n’a pas consenti, c’est aux actes qu’elle décrit comme un mélange d’extrême violence et d’absence de considération pour son propre désir et sa dignité« .
Au sujet d’une troisième plaignante, Daniel Zagury indique : « si emprise il y a eu, c’est celle de l’état amoureux de X qui a vite cédé devant le constat de l’écart entre ses attentes et la nature de celles de Monsieur Ramadan« . Cette femme de 37 ans avait quant à elle déclaré aux enquêteurs : « C’est d’un autre ordre qu’un viol physique, (…) il y a un viol moral ».
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La « contrainte morale », difficile à prouver
Après avoir pu consulter ce rapport très attendu, les avocats des plaignantes ont fait part de leur enthousiasme. L’AFP a relevé leurs réactions : « C’est une démonstration magistrale, scientifique et implacable qui vient corroborer ce que le dossier dit depuis maintenant deux ans et demi et qui explique les accusations portées par les plaignantes », a déclaré Eric Morain, avocat de Christelle.
Jonas Haddad, l’un des avocats de Henda Ayari, a estimé que « cette expertise [venait] caractériser l’emprise instaurée par M. Ramadan », et ainsi établir « la contrainte » qui constitue la définition pénale du viol. Avant d’ajouter qu’ « Elle – l’expertise – intervient dans un climat délétère puisque ma cliente a encore été agressée la semaine dernière par un partisan de Ramadan« , toujours selon l’AFP qui a rappelé que « pour retenir la qualification de viol, punie jusqu’à 15 ans de réclusion criminelle voire 20 ans en cas de circonstances aggravantes, les juges doivent démontrer que les pénétrations sexuelles ont été imposées ‘par violence, contrainte, menace ou surprise’ selon le code pénal ».
Une contrainte morale qui est aujourd’hui reconnue mais reste toujours difficile à prouver, comme le précise l’AFP.
Les avocats de Tariq Ramadan, qui avait finalement reconnu avoir eu des relations extra-conjugales, n’étaient pas disponibles dans l’immédiat pour réagir et répondre à l’AFP.
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