Exemple de la vitalité de la scène rap venue de Belgique, Caballero & JeanJass sortent leur nouvel album, Double Hélice 2, le 12 mai. L’occasion de parler avec eux de la hype belge, du boom-bap et de Charleroi.
« On dirait que le reste du monde sait enfin que nous existons. Comme s’il avait découvert un autre continent ». Caballero & JeanJass ne sont pas tout à fait des nouveaux venus. Mais la vague rap belge qui frappe la France montre à quel point le plat pays a manqué de visibilité durant de longues années. En sortant leur album Double Hélice 2, prévu pour le 12 mai et dont plusieurs extraits sont déjà sortis (dont On est haut et Sur mon nom), ils prévoient de confirmer leur année 2016 démarrée en fanfare avec Double Hélice. Avec Hamza, Damso, L’Or du Commun, Roméo Elvis et consorts, ils forment la nouvelle armada belge dont on parle tant depuis deux ans.
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De la condescendance à l’admiration
Plus question d’être condescendant envers nos voisins. Pourtant, Caballero se rappelle : « Ca n’étais pas propre au rap : tu branchais NRJ le matin, t’entendais un gars faire une chronique sur les blagues belges ». Et JeanJass d’enchaîner : « Les choses changent, dans le cinéma pareil, et même dans le foot. Stromae, Poelvoorde, François Damiens… Le Belge a la cote en ce moment. Tout cette condescendance disparaît pour laisser place à une forme d’admiration, à de la fraîcheur. Parfois, je fais un parallèle entre le place de la Belgique dans le rap francophone et celle de Toronto dans le rap US ».
Le rap belge devient presque un label. Un label de qualité même. « Tant mieux, avoue Caballero. On ne va pas se plaindre. Les gens font toujours de grands raccourcis, mais c’est positif pour une fois. Si c’est cool d’être Belge, alors allons-y ». Lui s’est construit en grande partie aux côtés de rappeurs français, il y a de cela six ans. « Ma première connexions, c’est Georgio. Je suis venu une première fois à Paris juste pour le rencontrer, il m’a accueilli dans sa chambre de bonne à Marx Dormoy. Il y avait toute une nébuleuse de rappeurs autour de lui que j’ai commencé à connaître, les Fixpen Sill, Lomepal, Sneazzy, Deen Burbigo, Hologram Lo, Nekfeu… J’ai passé de chouettes moment avec eux. J’ai aussi backé Alpha Wann pendant un temps. Il me laissait parfois dix minutes sur scène ». JeanJass continue : « C’est motivant, il y a une compétition assez saine. La première fois que j’ai entendu Makala, par exemple, j’étais sur le cul. Quand t’entends ça, t’as qu’une envie, c’est de rentrer chez toi et de faire mieux ».
« Il n’y a rien de sérieux dans nos vies »
JeanJass, aussi ingénieur-son studio et beatmaker, a participé aux projets de certains : « Lomepal, tous ses projets solos, il est venu les faire avec nous à BX (Bruxelles dans le jargon, ndr), sauf le dernier ». Leur connexion à eux est classique : une rencontre dans une radio, un travail commun en studio, et une complémentarité évidente tant musicale que dans les personnalités. La suite, c’est l’album Double Hélice et aujourd’hui Double Hélice 2. Un rap qui alterne adroitement beats modernes et boom-bap (d’ailleurs, est-ce vraiment opposé?), même si les titres qui teasent l’album sont clairement inscrits dans un désir de contemporanéité : « Le boom-bap vit toujours, explique Caballero. Une paire de basket blanche, c’est classique, tu peux la porter tout le temps. Même si tu mets aussi des 95 qui brillent avec des néons, la paire de basket blanche est toujours dans ton armoire. Le boom-bap, c’est pareil ». A une époque où l’on a peut-être jamais eu autant de sous-genres hip-hop actifs, c’est pertinent.
Si les deux potes sont très loin d’être des rappeurs golris, il faut bien avouer que l’humour est indissociable de leurs lyrics. JeanJass : « On est cons, on est des mongols. Il n’y a rien de sérieux dans nos vies. De toute façon, l’humour est un aspect très important du hip-hop, de la musique en général, et même de la vie d’une personne. Alors pourquoi l’écarter ? ». Un humour qui s’exprime dans l’ego-trip, exercice de style qu’ils apprécient particulièrement et dans lequel ils font mouche : « C’est la manière la plus large de s’exprimer pour un rappeur, assène Caballero. Tu peux sortir un truc sérieux, un truc drôle juste après, parler de quinze sujets différents. C’est la liberté ».
Le 18 mai à Paris
Alors qu’on a plutôt l’habitude de voir des rappeurs bruxellois, JeanJass vient de la voisine Charleroi. « C’est assez gris, c’est une ancien bassin minier, donc ça ressemble pas mal aux villes du nord de la France. C’est une ville de misère sociale en Belgique, mais qui change depuis quelques années. Il y a une petite hype qui s’installe. Il y a beaucoup d’artistes qui émergent, des grands centres commerciaux, ils parlent de faire une université… Il y a encore une grosse connotation négative, mais ça n’a jamais été un boulet. J’en suis super fier, je donne beaucoup d’amour à ma ville. On a joué à Charleroi la semaine dernière, ils nous l’ont bien rendu ».
Multipliant les connexions, ils ont aussi eu l’occasion de faire une apparition lors du Bataclan du poto Deen Burbigo, juste après cet entretien. Un aperçu de ce qu’il seront capables d’offrir lors de leur date parisienne le 18 mai à La Place, et qu’il ne faudra pas manquer.
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