Le retour de la série créée Eli Horowitz et Micah Bloomberg était très attendue. Mais cet exercice de style savoureux autour de personnages amnésiques pourrait bien ne pas rester dans les mémoires…
Une femme se réveille dans une barque à la dérive au milieu d’un lac. Un homme l’observe depuis la rive avant de s’enfuir. Elle ne sait ni qui elle est, ni comment elle s’est retrouvée dans cette situation inconfortable.
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Un jeu de piste paranoïaque se met en branle, structuré par un chapelet d’indices : clefs de voiture, carte d’identité, tatouage militaire ou serviette de bar. Il s’agit alors, pour le personnage comme pour le spectateur, qui lui est strictement assimilé, de recomposer une identité et une mémoire doubles : celles qui constituent le hors-champ de ce réveil amnésique comme celles qui le raccordent à l’univers fuyant de la série.
Des dés pipés sur toutes les faces
Créée par Eli Horowitz et Micah Bloomberg à partir de leur podcast et mise en scène par Sam Esmail (Mr. Robot), la première saison d’Homecoming plongeait Julia Roberts dans un cauchemar aux contours cinéphiles. En dix épisodes de trente minutes, elle explorait les zones d’ombre d’un programme pour vétérans de guerre souffrant de stress post-traumatique. Charge à son personnage à multiples facettes de dissiper le parfum de complot pour en démêler les fils vaporeux.
Cette fois encore, les dés sont pipés sur toutes leurs faces. Côté fiction, les clefs n’ouvrent pas la bonne voiture, le tatouage se décolle façon décalcomanie et la carte d’identité s’avère fausse. Quant aux forces qui l’agitent, elles brillent par l’absence de Julia Roberts et de Sam Esmail, remplacé par des copistes appliqués. L’ADN de la série, pourtant, est reconnaissable, tant dans ses afféteries formelles que ses artifices narratifs, et les trajectoires de ses personnages convergent vers les locaux de Geist, l’entreprise privée à l’origine du programme Homecoming.
https://www.youtube.com/watch?v=061dIvFHClc
Toute en cadres composés et en lents mouvements de caméra, la mise en scène travaille une esthétique vintage inspirée autant par les codes du film noir que par les thrillers psychologiques de David Fincher ou Brian De Palma. Jouant avec habileté du plan-séquence ou de l’écran divisé pour appuyer la tension schizophrène qui étreint ses figures parcellaires, les épisodes s’inscrivent dans une mémoire cinéphile (jusqu’à réutiliser certains morceaux de BO antérieures) qui participe du jeu de pistes par correspondances secrètes – ou les brouille un peu plus.
Souvent brillant, cet exercice de style référencé donne au récit une coloration artificielle, pertinente quand elle induit chez le personnage-spectateur la sensation d’être piégé dans une simulation, moins opportune lorsqu’il s’agit de frotter ces mésaventures à un sentiment d’insécurité collectif. Reliés, ses fils narratifs bouclent eux-mêmes sans parvenir à accrocher réellement quelque chose de nos angoisses existentielles contemporaines, qui constituent pourtant la toile de fond du récit et la cible du programme Homecoming. Si l’on s’y prête avec délice, ce jeu de pistes débouche sur une impasse.
Homecoming saison 2 Le 22 mai sur Amazon Prime Video
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