L’éditorialiste à BFM/RMC Daniel Riolo a scandalisé la tête de liste du PCF aux Européennes, Ian Brossat, en affirmant que le PCF, “c’est la collaboration avec les nazis”. Décryptage.
La réplique est restée en travers de la gorge de Ian Brossat. Ce 21 mai, alors qu’il débattait dans Les Grandes gueules sur BFM/RMC, la tête de liste aux Européennes du PCF a eu maille à partir avec Daniel Riolo, éditorialiste de la chaîne. Alors que le candidat énumérait les conquêtes sociales dues en partie au Parti communiste (congés payés pendant le Front populaire, Sécurité sociale à la Libération…), il a été interrompu par le polémiste, qui balance : “Le PCF, c’est la collaboration avec les nazis !” Cette affirmation scandalise Ian Brossat, qui conteste formellement et affirme : “Non, le PCF c’est la Résistance monsieur, c’est 75 000 fusillés. C’est honteux ce que vous avez dit. C’est une insulte aux 75 000 fusillés. Le Colonel Fabien a résisté dès le premier jour !” De nombreux militants communistes se sont ralliés à leur candidat, et au-delà à gauche, ont contesté cette attaque de Daniel Riolo.
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VIDÉO 🎬 – @IanBrossat scandalisé par les propose de @DanielRiolo "Ça suffit, arrêtez de dire n’importe quoi !" pic.twitter.com/HmCdX0Bh9w
— Les Grandes Gueules (@GG_RMC) May 21, 2019
“Il n’est pas possible de dire que le PC a été collaborateur”
Les historiens spécialistes du sujet que nous avons interrogés abondent dans leur sens, mais nuancent les chiffres avancés par Brossat. Pour Claude Pennetier, ancien directeur du Maitron (le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français) et qui rédige depuis de longues années un dictionnaire des fusillés de l’occupation, les propos de Daniel Riolo sont “calomnieux” : “Il n’est pas possible de dire que le PC a été collaborateur. C’est lui qui a eu un rôle fondamental dans la structuration de la résistance !” De même, Romain Ducoulombier, historien auteur en 2010 de Camarades ! La naissance du Parti communiste en France (Perrin), explique : “Le mot de collaboration désigne la politique de l’Etat de Vichy par rapport à l’occupant, pas celle des communistes. Le PCF est la principale organisation de résistance intérieure entre 1941 et 1945”.
Une “période grise”
Daniel Riolo reproche aux communistes de ne pas avoir été “des résistants de la première heure”. En effet, l’attitude de l’appareil communiste a été ambivalente au début de la guerre – ce qui n’en fait pas, pour autant, des collaborateurs. La signature par l’Internationale Communiste (IC) du pacte germano-soviétique en 1939 (un traité de non-agression) a plongé le parti dans une crise de conscience profonde. Antifasciste et antimilitariste dans les années 1930, le PC entre alors dans une “période grise” où il n’est “ni résistant, ni vichyste”, relate Romain Ducoulombier : “Comme le PC dépend du mouvement communiste international, il s’aligne sur les éléments de langage de Moscou. Le pacte germano-soviétique est donc à ses yeux ‘un texte pour la paix en Europe’alors que c’est l’exact inverse.” Cette neutralité, ou cet attentisme, constituent un revirement brutal pour de nombreux militants incompréhensifs. Aragon la justifiera pourtant dans Les Communistes, publié entre 1949 et 1951.
C’est durant cette période de flottement qui dure quelques mois que la direction du PC, en juin 40, négocie avec les autorités allemandes pour faire reparaître L’Humanité. “Duclos en porte essentiellement la responsabilité, dans cette période qui n’a duré que deux mois”, souligne Claude Pennetier, qui a eu accès aux notes établissant l’argumentaire employé par les représentants du PCF auprès des autorités d’occupation – lire à ce sujet son livre coécrit avec Jean-Pierre Besse Juin 40, la négociation secrète (Les éditions de l’Atelier).
“Les fusillés comme otages sont à 80 % communistes”
Malgré cette valse-hésitation, des militants communistes demeurent en résistance intellectuelle d’abord, à l’instar de Gabriel Péri qui conteste les négociations susdites. Et le PCF devient finalement, avant même l’invasion par le IIIe Reich de l’Union soviétique (l’opération Barbarossa), la principale organisation de résistance intérieure. Une nouvelle page de l’histoire du PCF s’ouvre alors, qui vaudra le nom de “parti des fusillés”. En effet, s’il n’y a pas eu “75 000 fusillés”, une formule mémorielle que reprend un peu trop vite Ian Brossat, des milliers de communistes ont été exécutés par les Allemands en raison de leur résistance. Claude Pennetier, qui travaille toujours à un dictionnaire des fusillés de l’occupation, affirme que “c’est le parti qui a le plus payé l’impôt du sang” : “Les fusillés comme otages sont à 80 % communistes. Parmi les condamnés par les tribunaux, ce sont 30 % de communistes. Dans l’ensemble, cela représente 4000 communistes. Mais il y a aussi des fusillés sommaires, des suicidés, des massacrés. Le fusillé sommaire est un résistant, car il a fait quelque chose qui a provoqué son exécution par les Allemands. Dans cette catégorie nous étudions 20 000 biographies d’exécutés, dont 5 000 communistes”, relate-t-il. Voilà qui devrait clore le débat.
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