Nicolas Bedos signe une bouillasse à base de nostalgie fumeuse, et de mégalomanie envahissante.
C’est peut-être le coup du Grand bain en 2018, transformé par le succès du film à sa sortie six mois plus tard, qui a convaincu Thierry Frémaux de l’intérêt de munir son Cannes d’un film français aussi lourdement produit que casté. D’où la programmation en séance spéciale hors compétition – faudrait pas non plus abuser – de cette Belle époque (et probablement du Toledano-Nakache prévu en clôture), bouillasse de Nicolas Bedos sur la nostalgie, le bonheur enfui et l’amour fané dans lequel Daniel Auteuil, mari éteint, se voit proposer de revivre ses vingt-cinq ans et la rencontre de sa femme grâce à Time Travellers, une étrange société de mise en scène IRL d’époques reconstituées.
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Jeux de pouvoirs
L’occasion d’entonner une rengaine qu’on connaît bien : celle du bon vieux temps que le cinéma seul peut reconquérir (Bedos n’y va pas de main morte, en commençant son film par une diatribe anti-nouvelles technologies du niveau d’un épisode Chérie 25 de Black Mirror), grâce à son affranchissement des limites du réel, son kaléidoscope de souvenirs, ses armées de décorateurs et sa capacité miraculeuse à filmer des brasseries seventies éclairées en jaune Suze.
Mais si cette moitié-ci du récit a eu de quoi nous faire un peu tourner de l’œil, la deuxième était encore mieux armée pour nous faire gerber – soit l’autoportrait de Bedos dans la peau du metteur en scène (joué par Guillaume Canet), rêve mégalomane à peine dissimulé par une autodérision de bon aloi (« – Tu te prends pour Dieu ? – Je suis scénariste. »), et dont l’horreur consiste à reconquérir une autre femme aimée en la prostituant.
C’est Doria Tillier qui endosse ce rôle, actrice fétiche de Time Travellers, compagne et muse de son metteur en scène, qui la glisse dans la peau de la femme d’Auteuil façon girlfriend experience, et jouit à la fois de l’offrir à un autre, de lui vociférer ses ordres à l’oreillette, et de la mater derrière des miroirs sans tain. Une odieuse scène d’engueulade baisée (je te hais mais peut-être pas tant : je te laisse m’enculer…) et 354 références à la pipe plus tard, le verdict est clair : Bedos aime le pouvoir, notamment sur les femmes, et particulièrement lorsqu’elles le sucent. Qu’il ne compte pas sur nous.
La Belle époque de Nicolas Bedos, avec Daniel Auteuil, Doria Tillier, Pierre Arditi (France, 2019, 1h55)
Sélection officielle, hors compétition
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