Apprécié d’Eric Zemmour et plutôt d’accord avec Alain Finkielkraut, Le remplaçant de Yann Moix dans “On est pas couché” a été le conseiller en communication de Christine Boutin, sympa, quoi…
Il paraît qu’il imite très bien Alain Finkielkraut. On aurait aimé le voir entonner un “Taisez-vous !” exalté dans un endroit chic de Saint-Germain-des-Prés, peut-être chez Castel, tiens, où, d’après son compte Insta, il semble avoir ses habitudes. Problème : nous sommes bien trop ploucs pour en avoir la carte de membre, et puis de toute façon, si on souhaitait le rencontrer, ça n’était pas pour rester mutique. Mais Charles Consigny n’a jamais répondu à notre tentative de prise de contact sur Twitter.
Peut-être parce que l’intervenant des Grandes gueules de RMC se proclame dans son dernier livre, Je m’évade, je m’explique (Robert Laffont, 2017), “indifférent” à la “suffisance” des Inrocks – il lui arrive aussi de recevoir ce genre d’amabilités, cf. une auditrice des GG qui lui lança que s’il “avait été (s)on fils, (il aurait) eu des paires de gifles”. Peut-être aussi parce que notre message s’est noyé dans ses nombreuses notifications : être nommé nouveau chroniqueur d’On n’est pas couché est la garantie de faire parler beaucoup de soi, la preuve ici.
L’image d’un jeune BCBG arrogant et provoc
A 28 ans, ce jeune homme aux faux airs d’Alain Delon, mais avec des joues pouponnes, a été choisi par Laurent Ruquier et Catherine Barma, animateur et productrice de l’émission, pour remplacer l’écrivain Yann Moix. Aucun d’eux n’a répondu à nos sollicitations d’entretien, aussi pouvons-nous citer Catherine Barma, interrogée par Le Figaro : “Il va apporter un regard complémentaire à celui de Christine Angot (…). Et un nouveau souffle, car c’est le plus jeune chroniqueur de l’histoire de l’émission.”
Tellement jeune d’ailleurs que le jour de l’annonce officielle de son arrivée – la rumeur courait déjà –, il était toujours stagiaire : titulaire d’un master en droit privé et d’un autre en histoire du droit à la Sorbonne, il a passé six mois dans le cabinet du célèbre avocat pénaliste Hervé Temime. Lequel, joint par téléphone, vante une recrue “extrêmement sérieuse, impliquée, très bien intégrée dans l’équipe, très compétente et donc très prometteuse”.
Loin de l’image de jeune BCBG arrogant et provoc que d’aucuns accolent au futur chroniqueur, maître Temime évoque une “personnalité attachante et intéressante”, aux qualités certaines de débatteur, pleine d’humour et de sang froid.
Un Eric Zemmour globalement élogieux
Après tout, Laurent Ruquier ne l’avait-il pas présenté comme “le réac le plus sympathique de Paris” lors de son passage à ONPC en tant qu’invité, en 2017 ? Charles Consigny est de droite, a soutenu activement Sarkozy en 2012 après avoir été quelque temps conseiller en communication bénévole de Christine Boutin – quelle drôle d’idée.
Comme elle, d’abord défavorable au mariage pour tous, cet homme qui aime les hommes finira par changer d’avis et l’écrire dans Le Point, où il est éditorialiste depuis cinq ans. Dans ses chroniques pour l’hebdomadaire, beaucoup de papiers (positifs) sur Emmanuel Macron – “N’en déplaise aux commentateurs fatigués, (il) peut aller beaucoup plus loin dans le libéralisme” –, pas mal de mentions du controversé Eric Zemmour (globalement élogieuses, parfois plus critiques concernant, par exemple, sa position peu tolérante sur les réfugiés) et, a fortiori, plusieurs paragraphes rejetant le fameux politiquement correct.
“Il est cash, honnête. Il n’est pas dans la posture”, assure le musicien Etienne Liebig, qui participe lui aussi aux GG. Les deux hommes ne sont d’accord sur rien – “lui incarne la jeune droite, moi je suis plutôt le vieux gauchiste” – et se sont “beaucoup engueulés” : une séquence de 2014 montre le polémiste quitter le plateau de l’émission, après avoir traité Liebig de “connard”.
Ce dernier assure qu’ils se sont pourtant trouvé des affinités, notamment à propos de la musique, dont ils ont la passion tous les deux – “c’est un type sensible” –, et est “très content pour lui” de son arrivée à ONPC. C’est déjà ça.
Il trouve du “panache” à Renaud Camus, théoricien du grand remplacement
Le jeune Charles est né dans une famille parisienne et bourgeoise – neveu de l’actrice Anne Consigny, père publicitaire et énarque avec qui il a coécrit un roman – et a eu l’adolescence mondaine qui va avec, lui qui, à 17 ans, lançait un fanzine de mode et finissait à l’hôpital avec trop de cocaïne dans le sang et le spleen au cœur. Mais de l’avis d’Etienne Liebig, il ne serait pas non plus si prévisible : “Il rompt parfois avec la doxa traditionnelle de la droite, et comme il dit ce qu’il pense, de temps en temps ça ne rentre pas dans le cadre.”
On peut malgré tout écrire qu’il est tout à la fois ultralibéral et décliniste, lui qui apprécie Zemmour donc, Alain Finkielkraut, mais trouve aussi du “panache” à la figure de l’extrême droite identitaire Renaud Camus, écrivain et militant politique théoricien du “grand remplacement”.
Maître Temime encore, qui “ne partage manifestement pas les idées” de Charles Consigny, estime que le défi qui va se poser à lui “sera de réussir à ce que ses prestations de chroniqueur soient de qualité et compatibles sur le fond et la forme avec son métier, et de ne pas oublier qu’il est avant tout avocat. Dans mon esprit, ça n’est pas évident du tout, mais il a très bien compris en quoi cette expérience pourrait être un plus ou un moins. Il en est largement capable.”
Comprendre : la possibilité pour celui qui, dans quelques mois, devrait prêter serment, de se brûler les ailes. D’ici là, on le verra s’installer dans ce que le fondateur d’Arrêt sur images Daniel Schneidermann qualifie de “lieu d’influence” : “Récurrence hebdomadaire, ancienneté, diffusion sur le service public : ce qui est dit dans cette émission est triplement légitimé.”
Si ce spécialiste de la critique des médias est “incapable de dire si la production a tenu compte ou non du facteur politique, en faisant un calcul selon lequel Consigny permettrait un rééquilibrage avec Ruquier par exemple, plutôt perçu comme de gauche”, il explique que “le précédent Zemmour a accrédité l’idée d’une véritable influence politique exercée par cette émission” et écrit ceci à propos de l’arrivée du nouveau chroniqueur : “Dans un bienfaisant éclair de lucidité, Ruquier a avoué un jour : ‘Je regrette d’avoir donné la parole à Zemmour ici chaque semaine. (…) Je suis en train de me rendre compte que j’ai participé à la banalisation de ces idées-là.’ Un an plus tard, il s’entortillait dans un démenti de ce regret. C’est vrai : pourquoi se fâcher avec Zemmour ? Il était tellement sympa ! La récidive est consommée.” Ainsi, Daniel Schneidermann estime que cette nomination “tombe bien pour Macron : la messe macronienne va être dite tous les samedis soir”. Amen.