Dans ce film sur lequel plane l’ombre du “Mépris” de Godard, la réalisatrice française sublime Zahia Dehar, actrice débutante ici élevée au rang de mythe de cinéma.
“Elles vont se déshabiller ? C’est merveilleux le cinéma. On voit des femmes, elles ont des robes, elles font du cinéma, crac, on voit leurs culs.” disait Michel Piccoli, observant un tournage en pleine Méditerranée dans Le Mépris (1963) de Jean-Luc Godard. Cette maxime ontologique, qui lie le dévoilement du corps des femmes à celui de la machine cinéma, Rebecca Zlotowski en fait la matière même de son film.
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Une fille facile, le quatrième long métrage de la réalisatrice présenté à la Quinzaine des réalisateurs lundi 20 mai, ne fait pas durer le suspense. Zahia est déjà nue lorsqu’on la découvre en train de nager dans une petite crique des environs de Cannes.
Ex-escort girl reconvertie en égérie de mode et en directrice d’une marque de lingerie, la Franco-Algérienne y effectue ses débuts au cinéma dans le rôle de Sofia, une Parisienne qui rend visite à sa cousine de 16 ans Naïma (Mina Farid, autre révélation du film), à Cannes, le temps d’un été (donc hors festival).
De yachts peuplés de golden boys (l’un d’entre eux est joué par un excellent Benoît Magimel) aux soirées en boîte de nuit et aux lendemains difficiles qui les accompagnent, l’aînée fuit son vague à l’âme en plongeant sa cadette dans son monde fait de luxe et de séduction.
“Le Mépris” réinventé
Une fille facile est un film tout entier dédié au surgissement d’un corps, celui de Zahia. Mais ce mouvement de déshabillage, exécuté en un geste d’une infinie tendresse et sans aucune lubricité, s’accompagne d’un contre-mouvement d’habillage.
Le film la met à poil mais habille son personnage d’une voix, qui rappelle justement le phrasé lancinant de Brigitte Bardot, d’un mystérieux mal de vivre, qui s’étire à travers des relations avec des hommes qui ne saisissent rien de sa complexité (comme dans Le Mépris), de l’expression d’un désir féminin assumé (on adore la scène qui cite le plan cul du Mépris tout en inversant les rôles, Zahia mettant un doigt dans l’anus de son amant), d’un goût pour Marguerite Duras et d’un jeu d’actrice fascinant de particularismes.
Zlotowski fait de Zahia une Brigitte Bardot bionique, un corps-mythe de cinéma et signe son meilleur film.
Quinzaine des réalisateurs, sortie le 28 août
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