À 22 ans, Vickie Lynn Hogan décide “de devenir un rêve inatteignable”. Et pour ça, la jeune Texane élevée dans un mobil-home aux murs couverts d’images de Marilyn a un plan. D’abord, les bases : “du collagène en injection dans la lèvre supérieure” puis “une résection des cartilages excédents de la pointe du nez” et au passage “une gingivoplastie”.
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Ensuite, le gros œuvre : “deux belles prothèses bourrées de sérum physiologique” pour passer d’“un 90 C fort honorable” à “un sublime 95 E”. Et, last but not least, un nom qui “claque” : “Anna’ c’est comme les montagnes russes, mais ‘Nicole’ ensuite c’est comme du satin qui tomberait de tes épaules, quelque chose de classieux dans la bouche, un truc bien balancé, un peu indolent, et ‘Smith’ enfin c’est comme un coup de fouet, ou de cravache…”
Une étrange course ultramoderne
La suite – mariage à héritage, téléréalité, drogue, obésité, overdose –, on la connaît. La playmate Botox est devenue la Marilyn en silicone d’une société post-Warhol et pré-Instagram. “Le rêve inatteignable” de la génération MTV. C’est par les voix et les yeux des spectateurs sidérés – on dirait followers aujourd’hui – que le collectif Inculte dressait en 2008 le portrait diffracté de la starlette overdosée.
Sous la plume de la dream team de l’avant-garde littéraire française des années 2000 (Bégaudeau, Kerangal, Larnaudie…) sont convoqués mari milliardaire octogénaire, avocat-amant, chirurgien esthétique, maîtresse d’école, ami d’enfance ou admirateurs de la première heure.
Mais au-delà de la biographie trash, ce qu’interroge ici le roman réédité en poche, c’est cette néo-célébrité, née des fantasmes voyeuristes et des visions hypnotisées. Icône d’opérette et artiste de rien, sinon de sa propre mythologie, Anna Nicole Smith ne fut qu’un mirage cathodique.
Une chic fille est la chronique de cette étrange course ultramoderne à la gloire du vide ; la critique, aussi, de la seule véritable œuvre qu’a façonnée Anna Nicole Smith : le regard que le monde posa sur elle. Léonard Billot
Une chic fille (Barnum), 140 p., 7,90 €
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