Du 24 mai au 1er juin, tous les styles de jazz fleuriront à Coutances. Avec sa programmation aussi exigeante que populaire et éclectique, Jazz sous les Pommiers reçoit, sans ordre de préférence, Angélique Kidjo (et son invité Erik Truffaz), Les Mystères des Voix Bulgares, Ron Carter, Théo Ceccaldi, Cécile McLorin Salvant, Joshua Redman, Laurent de Wilde, Magic Malik… Voici les trois meilleures raisons musicales pour une escapade dans la Manche !
Pour les grandes orgues d’Andy Emler
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Sur sa butte de 90 mètres, la Cathédrale de Coutances s’aperçoit depuis la mer. En son sein, ce fleuron de l’art gothique du XIIIe siècle, classé “monument historique”, abrite un orgue d’envergure de 3500 tuyaux et quatre claviers. Pour Jazz sous les Pommiers, les notes de ce mastodonte, ces harmonies magmatiques titilleront les voûtes d’ogive et nargueront les vitraux, d’une musique pas très catholique. Car aux commandes du cockpit, se trouve l’hérétique Andy Emler, colosse hors cadre, compositeur prolixe, qui mêle aux écritures contemporaines et à l’impertinence du jazz, des influences de rock progressif, de pop, de metal. Voici donc le capitaine du MegaOctet – formation emblématique qui vit passer, depuis trente ans, tous les nouveaux héros du jazz français – bien décidé à faire groover en diable l’instrument sacré. Pour l’accompagner sur ces chemins buissonniers ? Le saxophoniste américain Dave Liebman, l’un des héritiers de Coltrane, complice, entre autres, de Miles Davis, Elvin Jones ou Michael Brecker.
L’aventure de ce duo pas comme les autres débute par les tâtonnements d’Andy sur l’orgue de l’abbaye de Royaumont : “Pianiste, je n’avais jamais touché un orgue de ma vie ! J’ai esquivé les techniques de pédalier, par mon art de l’esbroufe !”, confesse-t-il. Après ce premier essai, puis d’autres, Radio France commande au géant, une pièce pour son grand orgue. Quatre nuits durant, Emler dompte la bête. Il forge sa musique et écrit ses notes pour le génie qui lui donnera la réplique. “Je connais Liebman depuis trente ans, dit-il. Il possède cette aura et cette humilité rare.” Donnée une seule fois en concert, gravée pour l’éternité sur un disque sorti cette année, leur musique de reliefs – Liebman au soprano ou à la flûte piccolo – jongle avec la lumière et traverse des nébuleuses, impose son affolante complexité, résolue par la simplicité de leurs jeux d’enfants.
A Coutances, ils livreront leur deuxième concert. Ce qui émeut Andy : “J’aurais deux heures pour apprivoiser l’orgue. Et avec Dave, nous serons à 30 mètres l’un de l’autre, connectés par un système vidéo, tu imagines ?” Mais il a confiance. En leurs talents. En leurs libertés. En leur complicité. Leur projet s’intitule Journey around the truth. Nul doute que ces deux-là rechercheront l’authentique harmonie et voyageront vers eux-mêmes, Saint-Emler et Saint-Liebman, pour forger cette aventure musicale qui touche au sacré.
Samedi 1er juin à 19h00, Cathédrale de Coutances
Pour les chemins initiatiques de Yaron Herman
Il aurait pu être basketteur pro ; il se passionne pour les mathématiques et la philosophie… Mais c’est au piano qu’il livre son plus beau jeu, qu’il pose ses questions métaphysiques, qu’il fraie ses chemins inexplorés, plein de pièges et de lumières. Chez Yaron Herman, devenu pianiste sur le tard, à 16 ans, le cœur et le cerveau se connectent aux doigts, engendrent les harmonies les plus audacieuses, et des mélodies limpides qui nous hantent longtemps.
Son troisième disque, Songs of the Degrees, paru en février dernier, frôle la perfection et le sublime. Sûrement parce qu’il n’impose jamais ces certitudes et qu’il (se) cherche de plage en plage, selon différents prismes. Sûrement, aussi parce qu’il nous embarque dans ses quêtes d’absolu. Ainsi explique-t-il sa gestation : “Ce disque a été créé après une rupture amoureuse. J’étais plein de musique. Au piano, j’ai entamé ce voyage initiatique, pour revenir à moi-même avec ce regard neuf. Selon moi, le processus créatif n’a pas vocation à obtenir un résultat, mais à nous transformer durant le périple.” Pour affleurer, pour refléter avec exactitude, ce qu’il portait en son cœur, en son esprit, la musique a mis six mois. “Il faut attendre que les graines semées fleurissent”, dit-il.
Pour donner corps à ses aventures intérieures, il choisit le trio, formule magique du jazz – Ziv Ravitz à la batterie et Sam Minaie à la contrebasse. Tous trois créent l’alchimie : une musique sensible, poétique et intelligente, viscérale et qui parle à l’âme. Surtout, Yaron livre ses secrets. Pour se libérer – d’un style, d’une influence – pour s’extraire des frontières étriquées et des définitions convenues, qui tueraient dans l’œuf sa création, il s’impose des millions de contraintes, selon de multiples combinaisons. “La créativité naît de cadres, de problèmes posés… De la sorte, le jeu s’exprime à travers toi. J’ai adopté cette façon de penser permanente, pour débrider l’imagination”, explique-t-il. Et dans ces jeux, dans ces voyages, on le suit les yeux fermés, le cœur et les oreilles grands ouverts. Car au final, chaque auditeur, sur les notes de Yaron effectue, lui aussi, son chemin vers lui-même.
Samedi 1er juin à 16h00, salle Marcel-Hélie
Pour les formules rythmiques d’Anne Paceo
Elle connaît Jazz sous les Pommiers sur le bout des baguettes. On pourrait même dire, que c’est à Coutances que, pour elle, tout a commencé. La batteuse et compositrice Anne Paceo raconte : “J’entretiens, depuis plus de dix ans, des liens forts avec le festival. En 2007, j’y ai effectué mon premier concert hors clubs parisiens. C’est le premier événement à m’avoir donné l’opportunité de jouer sous mon nom.” En bonne habituée, elle ne tarit pas d’éloges : “C’est un festival génial, à la programmation exigeante, audacieuse et éclectique, qui, malgré sa taille, a réussi à conserver une atmosphère familiale où se croisent à la bonne franquette public, artistes, organisateurs…” Et puis, Anne effectue ici une résidence de trois ans. A l’issue de la deuxième année, cette virtuose du rythme mesure le chemin parcouru. Elle y a réalisé, en partie, son dernier disque, Bright Shadows, sorti en janvier dernier. Loin d’un jazz classique, cette œuvre de textures et d’étincelles parcourt des sentiers pop, s’articule autour de textes, de mots, de mélodies, portées par les voix magiques d’Ann Shirley et Florent Matteo.
Mais Anne, rodée aux digressions et aux multiples projets sur les planches, ne jouera pas ce disque-là sur les scènes de Coutances, mais deux créations. La première, Alegria, possède la saveur du Brésil. “Ce concert provient de ma rencontre avec le guitariste Daniel Santiago et le bassiste Frederico Heliodoro, qui ont remplacé mon clavier Tony Paeleman au pied levé, lors de ma tournée au Brésil. Le premier joue avec Hamilton de Holanda, Milton Nascimenot, Joaõ Bosco, et a remporté deux Grammy Awards brésiliens. Le second traîne avec l’élite du jazz new-yorkais…”
La formation jouera la musique d’Anne, colorée d’influences brésiliennes et de mots portugais. Le second, Rewind, directement issu de la résidence, accoste en terres hip-hop, avec trois rappeurs émérites, qui forgent leur poésie et leur flow avec brio : deux Américains – Mike Ladd et Racecar – et un Palestinien – Osloob. La musique d’Anne sera samplée et accompagnée d’une basse et d’une guitare. Un beau programme !
Rewind, 29 mai, 23h00
Alegria, samedi 1er juin, 15h45 et 19h00
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