La rencontre entre un maire à court d’idées et une jeune fille diplômée de philosophie. Un film brillamment écrit et mis en scène, sur le désarroi politique et l’essence de l’engagement.
Il fut un temps, Paul Théraneau (Fabrice Luchini), homme politique et actuel maire socialiste de Lyon, se réveillait la tête débordante d’idées. Mais voilà, depuis peu, ces idées riches et stimulantes se sont taries – se sont-elles égarées ou ont-elles disparu à jamais ? L’équipe municipale, filmée comme un petit monde en ébullition, est confrontée à cet épineux problème et trouve, en une ravissante et brillante jeune femme (Anaïs Demoustier), diplômée de philosophie et ancienne enseignante à l’étranger, l’espoir de raviver l’esprit endormi de l’homme à court d’idées. C’est par ce postulat amusant que s’ouvre Alice et le Maire, deuxième long-métrage de Nicolas Pariser présenté à la Quinzaine des réalisateurs. Après le mic-mac du Grand Jeu qui voyait un ancien écrivain star (Melvil Poupaud) embarqué dans l’univers trouble et dangereux de la politique, Pariser infiltre à nouveau les coulisses du pouvoir, cette fois-ci sans la noirceur du polar mais dans les lumières claires et caressantes de la presqu’île lyonnaise.
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N’attendez pas d’Alice et le maire qu’il aligne les coups bas et égraine les scandales croustillants à la façon d’un House of Cards made in France. Ce qui charme d’emblée dans ce film, c’est sa drôle d’intrigue minimale, que l’on pourrait croire naïve, presque enfantine mais qui est en réalité d’une pertinence et d’une complexité folle. En (re) plaçant les idées, au cœur de l’exercice politique, Pariser opère un retour aux choses concrètes, à l’action collective comme pour remettre du sens, dans ce grand bain politique où l’on ne sait plus distinguer les discours des actes et infuse ainsi une méditation profonde sur la comptabilité entre la pensée et la chose publique.
Au cours des rendez-vous et des rencontres entre le maire et Alice, chargée de lui fournir des fiches thématiques censées le stimuler intellectuellement (la première – très drôle – étant focalisée sur la modestie), se noue une relation particulière. Entre les deux protagonistes l’une inexpérimentée, sans véritable vocation politique mais érudite, l’autre, homme d’engagement, rincé par trente années de mandat et de vadrouille, le lien se fait tendre, respectueux, amical. Les potions d’Alice inspirées, riches de mots et de concepts philosophiques ravivent, doucement, la foi politique – et au-delà – l’allant et l’énergie de Paul.
C’est l’autre grande réussite de ce film brillamment écrit et mis en scène que de placer sur un pied d’égalité, deux générations, deux personnages, différents et semblables, l’une perdue dans les bouleversements existentiels d’une vie à peine commencée, l’autre lassé d’une carrière faite de promesses non tenues. Au centre de ces échanges entremêlés, où chacun est à la fois maître et élève, parent et enfant, (la géniale) Anaïs Demoustier et Fabrice Luchini, émouvant et rarement vu en si grande retenue, excellent. Chacun pétri de doutes, s’apprend mutuellement pour se connaître un peu mieux soi-même et ainsi croire au lendemain.
Alice et le maire de Nicolas Pariser (Fra., 1h43, 2019) avec Anaïs Demoustier et Fabrice Luchini.
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