D’une fulgurante beauté, le premier long-métrage de la réalisatrice franco-sénégalaise est une œuvre où la magie se conjugue avec le politique, l’amour, le film policier et la puissance des astres.
« Les morts ne meurent pas », nous avait prévenu Jim Jarmusch il y a deux jours. Autre film, autre jour, mais toujours en Compétition officielle, Mati Diop, première réalisatrice d’origine africaine à connaître les honneurs de la compét’, prolonge la phrase inaugurale avec son premier long métrage, Atlantique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La cinéaste, passée par le Fresnoy, filmée par Claire Denis dans 35 Rhums (2009) et déjà réalisatrice d’une poignée de courts-métrages documentaires remarqués (Milles soleil, Atlantiques) poursuit dans ce film son réinvestissement de la ville de Dakar et reformule, cette fois dans le champ de la fiction, une question centrale dans sa jeune œuvre : que faire face à la perte ?
https://www.youtube.com/watch?v=6sbBF8hw7RQ
Un film sublime
Ici, cette perte prend la forme d’une bande de jeunes ouvriers sénégalais ayant pris la mer dans l’espoir de rejoindre l’Occident. Leurs femmes, copines et épouses restées à terre espèrent leur survie et craignent, à raison, leur naufrage. À partir de là, le film s’enfonce dans un fantastique dont l’esthétique rappelle la magie du cinéma d’Apichatpong Weerasethakul et de Miguel Gomes.
La force du film est de tirer ce fil magique tout en l’inscrivant dans une toile plus vaste où se mêlent film d’enquête, film politique et romance. La mer comme cimetière, la ville comme écrin à l’amour. La nuit comme territoire du mystère et son miroir, le jour, comme moment où l’on tente d’examiner et de résoudre le surnaturel de la nuit précédente. L’émancipation des femmes et l’injustice de l’exploitation ouvrière dont sont victimes les hommes. Le film déploie ces dialectiques avec une acuité de regard, une maturité de geste et une ambition esthétique impressionnante pour un premier film. Le ballet des corps de ses acteurs noirs et la façon dont Mati Diop filme leur peau d’ébène sont d’une beauté charnelle saisissante. On doute que le président du jury Iñárritu sera sensible à tant de poésie et de subtilité. Mais pour nous, Atlantique est un film sublime, tour à tour solaire et lunaire, le premier choc d’un Festival de Cannes dominé par la figure du revenant.
Atlantique de Mati Diop avec Mame Bineta Sane, Amadou Mbow et Ibrahima Traore (France, Sénégal, Belgique, 2019 1h45)
Sélection officielle, Compétiton
{"type":"Banniere-Basse"}