De retour avec un album de reprises, le Moz fait entendre la beauté quasi immuable de sa voix mais aussi celles d’artistes engagés d’une autre époque.
Ah, Morrissey ! L’homme qu’on adore détester. La faute à son mauvais caractère notoire, son végétarisme radical dont il a prêché les mérites, à ses prises de position souvent réactionnaires, qu’il juge faussées par les journalistes… Mais aujourd’hui, le tracklisting de California Son plaide largement sa cause. Comme son titre l’indique, ce douzième album solo puise dans un corpus américain d’obédience protestataire des années 1960 et 1970, et majoritairement d’inspiration californienne. Il y a quelques exceptions, telle la Canadienne Buffy Sainte-Marie, dont il reprend Suffer the Little Children – quasiment l’intitulé d’une chanson des Smiths. Une boucle bouclée pour l’amateur de reprises qu’est Morrissey.
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Produit par Joe Chiccarelli, California Son met le paquet sur les rythmiques et sur le chant du Moz. Il convoque la passion de ce dernier pour les grandes mélodies à la fois mélancoliques et baroques, celles qui brisent le cœur et transportent l’âme. En plus d’un scrupuleux principe de parité appliqué au choix des artistes ou groupes repris, le chanteur s’entoure de camarades musicien.ne.s, tous fans transis. Ainsi, le disque s’ouvre sur Morning Starship de Jobriath, qu’il partage avec Ed Droste (Grizzly Bear), suivi de Don’t Interrupt the Sorrow de Joni Mitchell, où est crédité Ariel Engle de Broken Social Scene.
Un manifeste d’indépendance
Il ressuscite ensuite la ferveur de Days of Decision, l’un des plus beaux titres du protest-singer Phil Ochs. Morrissey s’attaque également à Bob Dylan en revisitant, avec son panache habituel, Only a Pawn in Their Game. Certes, on se serait volontiers passé du timbre nasillard de LP en ouverture de It’s Over de Roy Orbison.
Or, dès que Morrissey s’empare du micro, la magie opère… et persiste sur la piste suivante, Wedding Bell Blues, de l’injustement oubliée Laura Nyro, sur laquelle intervient Billie Joe Armstrong, le leader de Green Day. Plus loin, l’énergie de Loneliness Remembers What Happiness Forgets, originellement interprétée par Dionne Warwick, reste intacte, tandis qu’il réussit à se défaire de la sensualité aux dents blanches de Carly Simon sur When You Close Your Eyes.
Morrissey conclut ce bel ouvrage avec le manifeste d’indépendance de la folkeuse Melanie, Some Say I Got Devil, où il remplace le mot “girl” non pas par “boy”, mais par “someone”… Il aurait d’ailleurs pu en signer les paroles tant elles lui vont bien : “Some say I got devil / Some say I got angel (…) / And though I’d like to tell it / Exactly how I feel it / Somehow the music / Hides it and conceals it.”
California Son (Etienne/BMG)
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