[Journaux de non-confiné·es] Malgré la crise sanitaire, ils et elles continuent de travailler quotidiennement sans bénéficier du confinement. Aujourd’hui, Alice, 34 ans, vigneronne en Champagne, évoque les mesures mises en place pour continuer à exercer une activité rythmée par les saisons.
Après avoir passé trois semaines isolée à Paris, j’ai rejoint mon frère en Champagne. Nous avons un domaine familial depuis six générations, Loriot-Pagel, où nous produisons notre propre champagne et sur lequel je suis vigneronne.
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“La vigne n’est pas confinée !”
Je suis retournée travailler car on avait du travail dans les vignes : la vigne, elle, n’est pas confinée ! Il avait fait très beau pendant ce mois-là, les feuilles avaient poussé beaucoup plus vite que d’habitude et les bourgeons avaient commencé à éclore. Il fallait passer à la phase d’ébourgeonnage, où l’on enlève les grains qui ne vont pas donner de fruits, pour ne pas fatiguer la vigne. Il n’y a pas de chômage technique dans notre métier puisqu’on dépend de la nature, qui impose son propre rythme.
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Dans toute la chaîne de travail et de production, on a mis des gestes barrières en place. Chacun va à la vigne avec son propre véhicule, le voisin de ligne est à deux mètres. On porte un masque et on se désinfecte les mains lors de la mise en bouteille – à chaque étape du processus, nous respectons les distances.
“On s’est demandé s’il fallait solliciter les transporteurs pour un bien non essentiel, mais la réalité économique s’est imposée”
Nos réseaux de distribution sont inexistants puisque les cavistes, restaurants et hôtels sont fermés, mais on a continué à livrer aux particuliers. On s’est demandé s’il fallait solliciter les transporteurs pour quelque chose qui n’est pas un bien essentiel, mais la réalité économique s’est imposée. Et puis on avait la capacité physique de le faire, on a une structure qui permet d’occuper tout monde et on était en mesure d’assurer la protection de chacun ; de plus, on fabrique notre matière première, on fait tout de bout en bout et on vend des bouteilles produites il y a quatre ou cinq ans.
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Pour délester les transporteurs, je fais une grande partie des livraisons moi-même, en voiture. Là aussi, j’ai mis en place des gestes de protection : je porte le masque et utilise le gel désinfectant, je dépose les cartons en bas de l’immeuble et attends que la personne vienne les chercher.
A cette époque, sur les vignes, on doit actuellement passer à la phase de palissage, où l’on vient ranger les rameaux dans des fils de fer pour assurer leur bonne exposition au soleil. On fait habituellement appel à une main-d’œuvre externe, chose que l’on ne pourra pas faire cette année. On va donc être quatre ou cinq contre dix normalement, ce qui va ralentir toute la production. Tout est plus lent que d’habitude, mais on doit répondre aux demandes de la nature.
Retrouvez les précédents épisodes de la série :
Episode 10 : Journal d’un primeur non-confiné : “J’ai l’impression de me sacrifier, mais c’est un métier d’utilité publique”
Episode 11 : Journal d’un chauffeur de taxi non-confiné : “J’ai le sentiment de rendre service”
Episode 12 : Journal d’un coursier à vélo non-confiné : “Ça commence à être pesant”
Episode 13 : Journal d’une responsable de MSF non-confinée : “Cette crise creuse les inégalités sociales”
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