Dans un communiqué publié ce 6 mai, l’Association française des cinémas d’art et d’essai (Afcae) a questionné la sortie, directement en VOD, du Pinocchio de Matteo Garrone sur Amazon Prime. Une décision exceptionnelle ou une potentielle menace pour les salles de cinéma ?
On annonçait la semaine dernière la sortie en VOD, pour ce 4 mai, du conte revisité par Matteo Garrone, suite à la vente des droits du film par Le Pacte à Amazon Prime. La sortie du film, initialement prévue en mars, avait été reportée à début juillet et ne verra finalement pas le jour en salles. Le président de l’Afcae, François Aymé, a tenu hier a alerté sur ce phénomène dans une missive.
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Rappelons que le coproducteur du film et président du Pacte, Jean Labadie, s’était expliqué sur ce changement au Film Français : “Nous n’avons aucune visibilité sur l’ouverture des salles, et nous avons déjà dépensé tout notre budget de frais d’édition. Sortir en juillet est impossible vu l’absence d’informations sur la réouverture, et repousser à la rentrée n’est économiquement pas viable vu la nécessité de réinvestir en publicité et communication tout en étant dans une période où la concurrence sera féroce. Le film devait bénéficier d’un fort accompagnement avec les scolaires.” Le coût de la promotion de mars, à pure perte, s’élevait à 600 000 euros.
“La symbolique n’est guère réjouissante”
Pourtant pour le président de l’association, cela apparaît comme “un nouveau coup” pour les cinémas de l’hexagone. Bien qu’il reconnaisse que les circonstances particulières de cette pandémie amènent des décisions inhabituelles, François Aymé met en avant la possible « alerte » que peut constituer ce changement de distribution pour un film d’auteur attendu.
Tout d’abord car le film possédait un statut particulier capable de réunir un large public : “Le nouveau titre de Matteo Garrone fait partie de cette poignée de films familiaux Art et Essai, qui chaque année, constituent une alternative européenne stimulante et attrayante aux films d’animations des majors américaines.” L’Afcae avait d’ailleurs prévu un dispositif conséquent financé par le CNC pour accompagner la sortie du film auprès du jeune public dans 1200 cinémas, un accompagnement éducatif qu’il doute similaire chez Amazon.
De plus, François Aymé s’inquiète qu’une société de distribution comme Le Pacte, “une référence pour la distribution Art et Essai” vende son exclusivité au géant américain : “Le distributeur de Ken Loach qui vend l’exclusivité de l’un de ses bijoux à Amazon : la symbolique n’est guère réjouissante.”
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Ne pas donner de “nouvelles raisons pour renoncer à la salle”
Si les cinémas devaient suivre des règles sanitaires strictes pour leur réouverture, pour lui : “Ces mesures indispensables ne doivent pas occulter la nécessité d’une offre de films attrayante.”
Il conclut : “Sans cette stratégie volontariste de programmation, la reprise indispensable des films arrêtés en mars dernier ne suffira pas alors à éviter un carnage estival. Chaque semaine et chaque jour qui passent renforcent les plateformes mondiales et affaiblissent un système national régulé, mutualisé aujourd’hui à l’arrêt. Des résultats de fréquentation anémiques cet été, faute d’incitation à la sortie de films, risqueraient de donner de nouvelles raisons aux producteurs et distributeurs de renoncer à la salle.”
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