L’avant-dernier mouvement de « Game of Thrones » déjoue une nouvelle fois les attentes des spectateurs dans un déluge de feu et de sang qui scelle le destin de plusieurs personnages principaux. Profondément pessimiste, l’épisode opère un déplacement du regard pour se placer enfin du côté du peuple. (Spoilers)
Cet article comporte des révélations sur la série Game of Thrones, en particulier son dernier épisode en date.
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La semaine dernière, nous avions laissé Daenerys Targaryen et Cersei Lannister face à face aux portes de Port Réal. Rongées par la haine et la soif de pouvoir, les deux prétendantes au Trône de fer s’offraient en miroir plus si déformant, tristes augures du carnage à venir. Mis en scène par Miguel Sapochnik, précédemment aux commandes de la Bataille des Bâtards (S6E9) et de la Longue Nuit (S8E3), cette Dernière Guerre offre un contrepoint diurne à la tempête glacée qui a vu l’humanité vaincre la menace des Marcheurs blancs : la violence s’y déploie cette fois en pleine lumière.
Du côté du peuple
L’épisode s’ouvre avec l’exécution de Varys, qui a choisi de trahir une Danerys Targaryen en pleine dérive autoritaire et paranoïaque. Si le maître des chuchoteurs était célèbre pour ses allégeances changeantes, sa loyauté était toujours orientée vers les intérêts du peuple : cette considération, portée par Tyrion, Jon Snow ou Arya, va constituer la boussole de cet épisode par ailleurs profondément pessimiste.
Alors que la Mère des dragons détruit la flotte des Fers nés et met en déroute la Compagnie dorée, Arya et le Limier se faufilent dans la ville pour assassiner Cersei, quand Tyrion et Jaime tentent de limiter les pertes humaines en accélérant la reddition de ses troupes. Hélas, malgré le dépôt des armes, le feu du dragon ne s’éteint pas et brûle des innocents par milliers.
Cette bascule terrifiante de la « guerre juste » vers l’horreur s’accompagne d’un déplacement du point de vue, qui quitte les conquérants pour se placer du côté des victimes anonymes. D’ordinaire grand absent de Game of Thrones, le peuple est enfin approché autrement que comme une masse de figurants indifférenciés : la peur se solidifie dans quelques visages, des microfictions ne nouent au détour d’une rue et l’ambition des personnages principaux, vue d’en bas, apparaît dans toute sa cruauté.
L’inévitable tragédie
Définitivement mise à distance du spectateur par ses actes et par la mise en scène, Daenerys Targaryen franchit un point de non-retour et s’impose comme l’antagoniste finale d’une saga hantée par des prophéties inéluctables. Qu’importe que les personnages n’aient cessé de vouloir échapper à un destin tracé d’avance, les codes de la tragédie ont repris le dessus pour structurer une conclusion étonnement pessimiste.
Le fatalisme qui enserre la bataille est toutefois tempéré par le choix d’offrir à Sandor Clegane, Jaime et Cersei Lannister des fins de trajectoires logiques et respectueuses : alors que le Limier prend enfin sa revanche sur son frère, les amants maudits s’éteignent dans une dernière étreinte bouleversante.
Daenerys a gagné, mais tout le monde a perdu. Gageons que le prochain épisode donnera aux Starks et à Tyrion Lannister l’opportunité de ramener un peu de lumière pour offrir à la saga cette fin « douce-amère » annoncée par son auteur George R. R. Martin depuis des années.
Game of Thrones saison 8 épisode 5 : La Dernière Guerre, disponible sur OCS.
Alexandre Büyükodabas
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