Le réalisateur star du cinéma français a pris en main les deux derniers épisodes de la cinquième saison de la série. Verdict et spoilers.
Etouffé, malmené, percé par des flèches tel saint Sébastien, Malotru (Mathieu Kassovitz) n’en finit pas de toucher la mort du doigt. Pourtant, ce sont celles et ceux qu’il fréquente qui disparaissent. La mort le contourne. La mort, c’est peut-être lui. Voilà en substance une leçon des deux derniers épisodes du Bureau des légendes saison 5, confiés par Eric Rochant à Jacques Audiard et diffusés ce lundi 4 mai. Une manière rarissime pour une série française de créer l’événement, avec un résultat finalement conforme aux attentes.
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La prise en main par l’auteur d’Un prophète de ces histoires d’espionnage mélancoliques n’est en rien une trahison du showrunner sur le départ, mais plutôt une réinterprétation avec d’autres moyens visuels des mêmes thèmes. Eric Rochant est d’ailleurs resté crédité en tant que coscénariste. LBDL se ressemble donc encore, surtout en cette fin de saison aux multiples enjeux.
Après le départ de JJA (Mathieu Amalric) dans les très beaux épisodes 7 et 8 (les derniers sous la direction de Rochant), il s’agissait ni plus ni moins que de solder une époque. Audiard s’occupe d’abord du cas Alex Karlov (dit Kennedy), l’officier du FSB recruté par Malotru qui arrive à Paris avec sa femme et son fils. L’occasion de se frotter à l’un des principes de la série, qui veut que les scènes intimes soient chargées de la même intensité que les missions.
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Ici, regarder la télé avec sa famille ou négocier avec des tueurs à l’autre bout du monde doit être capté avec le même sens de l’urgence. C’est l’occasion de touchantes scènes chuchotées, principale réussite du premier épisode par ailleurs un peu timide. Sauf à un endroit précis, obsessionnel, où Audiard s’en donne à cœur joie.
Boomerang funèbre
Cette obsession, c’est la masculinité, qu’il contemple depuis son premier film (Regarde les hommes tomber, 1994) jusqu’à sa déconstruction du western patriarcal dans Les Frères Sisters (2018). Quand Malotru tout juste rentré de Russie s’isole à la campagne pour reprendre ses esprits, il se retrouve confiné avec un psy/préparateur physique qui lui fait pratiquer la lutte pour évacuer le stress. Plans serrés de muscles bandés, ballet de hanches et bras des mecs collés, corps engagés dans une souffrance qui les fait exister… Audiard transcende le matériau de départ avant d’attaquer l’ultime épisode façonné comme une lente tragédie.
Alors qu’une petite lumière se profile au bout du tunnel (la promotion de Marie-Jeanne, alias la géniale Florence Loiret-Caille), tout le reste a le goût de cendres dans cette heure bleue. Audiard rejoue à sa manière la fin de saison précédente, quand on pensait Malotru mort et que celui-ci dînait avec sa fille et l’amour de sa vie, Nadia El Mansour, sous une lumière en halo.
Ce moment autrefois fantasmé est cette fois bien vrai, sauf qu’Audiard filme ce réel comme dans un au-delà. Un parfum d’irréalité traverse tout le mouvement final de l’épisode, jusqu’à toucher au fantastique lors de la scène la plus osée (qu’il faudra beaucoup revoir pour vraiment la juger), où Malotru assiste à un dîner qui lui renvoie au visage ses choix depuis des années. Un boomerang funèbre.
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Il ne reste alors plus qu’à dissoudre le bureau des légendes. Sans majuscules, car il s’agit du groupe au sein de la DGSE, et non de la série censée revenir l’an prochain. « Sommes-nous assez en ruines ? » a eu le temps de glisser ironiquement Malotru à Marie-Jeanne. On souhaite bonne chance à celles et ceux qui reprennent la série derrière ce champ de ruines laissé par le duo Audiard/Rochant.
Le Bureau des légendes saison 5 sur MyCanal
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