Chaque jeudi, Les Inrocks vous proposent de découvrir un groupe ou un artiste que vous ne connaissez pas (encore). Cette semaine : Lucien & The Kimono Orchestra. Un quatuor aux influences composites emmené par un leader aux idées bien trempées.
La beauté d’une interview tient à flouer les notions d’espace et de temps, pour mieux se téléporter d’un continent à l’autre (toutes périodes confondues), en restant simplement assis dans le même café. À vrai dire, on ne pouvait pas s’attendre à autre chose en rencontrant Lucien Bruguière, la tête pensante du projet Lucien & The Kimono Orchestra, puisqu’il est effectivement question de voyage dans sa trilogue de maxis, dont l’ultime chapitre Hayao’s Garden vient tout juste de paraître. Avant de s’envoler pour le Japon, qui représente une influence évidente, et de faire un crochet par le Brésil et son jazz-funk, qui marque, lui, la référence ultime du groupe, on se replonge dans le passé du compositeur, bercé par des musiques de films et dont l’histoire a commencé à Paris.
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De Robson Jorge & Lincoln Olivetti à DJ Gregory
Si Lucien joue plein d’instruments “sans pour autant lire les notes” comme il s’amuse à dire, c’est en franchissant les portes de Boiler Room France que son incursion dans le monde professionnel se matérialise. Une entrée en matière plutôt remarquée, qui débouchera d’abord sur la création de son label Ventura Records, puis, sur une décision soudaine : il choisit de tout envoyer valser pour la musique. Après une “traversée du désert assez longue”, l’idée de monter son groupe — avec Hugo Houselle (guitare), Augustin Vignet (clavier), qui sera remplacé par Laurent Damont, et Axel Truet (batterie) — prend forme au cours d’une soirée d’anniversaire : “Ça faisait un moment qu’on ne s’était pas vus avec les gars. Comme les gens passaient de la musique pourrie, on s’est isolés pour digger sur YouTube. Augustin a choisi un album de jazz funk brésilien, celui de Robson Jorge & Lincoln Olivetti et on a tous pété un câble. Dans la foulée, on a décidé de se revoir pour faire de la musique ensemble.”
Comme Lucien est d’un naturel à se fixer souvent des points d’accroche, il se met en quête d’un producteur. Il trouve son homme en la personne du mystique DJ Gregory, rencontré lors d’un dîner, que tout a débuté : “Je lui ai parlé de mon projet et il ça lui a bien plu. On s’est rapidement revus pour faire un premier et unique morceau ensemble, Galaxies. Mais il a vite disparu. Avec lui, c’était comme une longue masterclass pendant laquelle j’ai appris énormément de choses. Son influence plane toujours dans ma musique.” Désormais lancé avec cette première chanson, Lucien enchaîne et publie, dès 2016, le premier maxi de Lucien & The Kimono Orchestra, sous l’impulsion de la pépinière Cracki Records. Des quatre morceaux qui constituent cet EP éponyme, presque exclusivement instrumental, s’échappe un groove terrible, grandement façonné par le jazz-funk brésilien donc, mais aussi par les compositions de Vladimir Cosma, Francis Lai ou François de Roubaix. Inspiré, il reconduit la formule pour le EP suivant, Horizon (2018), en y ajoutant plus de voix.
Une trilogie à l’identité visuelle marquée
Puisque Lucien est un véritable fanatique de musique à l’image, la dimension visuelle du projet Lucien & The Kimono Orchestra occupe elle aussi une place de choix. Les trois pochettes de leur trilogie discographique portent toutes la signature du graphiste Antoine Duruflé, et font écho au Japon. On passe de l’ascension du Mont Fuji à une balade dans les rues d’une mégalopole asiatique avec Horizon, pour finalement arriver dans une sorte de jardin secret, qui, comme le titre du dernier chapitre Hayao’s Garden l’indique, est une référence directe à l’univers de Miyazaki — une de ses madeleines de Proust. Si le pays du Soleil-Levant est omniprésent visuellement (jusque dans le nom du groupe), Lucien se montre prudent quand il en parle : “On ne fait pas semblant d’être japonais, nous sommes des Français qui aimons jouer avec cette esthétique héritée des jeux vidéo. En termes de musique, nos trois maxis sont du pur jazz-funk.” Si cette trilogie se clôt via un voyage métaphorique dans l’enfance de Lucien, elle amène subtilement une suite.
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“Après avoir énormément travaillé sur mon identité artistique et l’avoir enfin trouvée, je sais que je peux me tourner vers d’autres choses sans me dédire. J’ai l’impression que demain je pourrais faire du rap ou du folk, mais à ma façon.” Sans aller jusqu’à affirmer que les prochains essais de Lucien & The Kimono Orchestra ressembleront à ceux de PNL ou de Sufjan Stevens, le leader nous a confirmé qu’un nouveau disque arriverait bientôt : un album exclusivement joué au piano, reprenant toutes les compositions de la trilogie, “pour aller encore plus loin dans la mise à nu” comme il nous le dit. Pour terminer notre discussion, Lucien nous partagera une toute dernière info : “Le triptyque, c’était l’enfance, la nostalgie, les années 80… Maintenant qu’on a posé ces bases, on peut se tourner sereinement vers l’avenir. Plus tard, il y aura un album pop, qui est en train de se dessiner, où j’ose toutes les extravagances.” Le rendez-vous est pris.
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