[Best of musique 2020] Le légendaire batteur nous a quittés cette année, à l’âge de 79 ans. Retour sur un parcours infiniment vibrant, riche de multiples expériences, jusqu’à Rejoice, ultime album paru en mars dernier.
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Cinq semaines après Manu Dibango, Tony Allen vient de rendre l’âme. Décidément implacable, le printemps 2020 restera en particulier marqué par la mort de ces deux géants de la musique (pan) africaine, tous deux exilés en France depuis de nombreuses années – et dont les chemins artistiques se sont croisés à diverses reprises.
En 1999, au moment où, après une période de stagnation, sa carrière se trouve à nouveau en plein essor, Tony Allen lance les mots suivants, attrapés au vol par Le Monde : “J’ai appris à jouer de la batterie en huit mois. La première fois que je me suis assis devant une batterie, c’est venu tout de suite. J’ai utilisé le capital que j’avais en moi : j’avais les dieux avec moi”.
Groove diabolique
Mieux que divin, on peut trouver proprement diabolique le sens du groove démontré par ce batteur hors pair durant tout son impressionnant parcours musical, entamé à la fin des années 1950 et jalonné de disques majeurs.
Parfait autodidacte, Tony Allen – né en 1940 à Lagos – s’initie seul à la batterie durant son adolescence. Sous l’influence des musiques africaines, en particulier le highlife et le juju, autant que du jazz américain, avec une fixette spéciale sur le jeu de Max Roach, il va développer un style très personnel, souple et saccadé, à la dynamique d’entraînement irrésistible.
S’immergeant dans la scène musicale de la capitale nigériane, il joue au sein de divers groupes et tape dans l’oreille a priori plutôt avertie de Fela Kuti, qui l’engage en 1964 comme batteur dans sa formation du moment, les Koola Lobitos. Tony Allen et Fela Kuti vont avancer ensemble pendant quinze ans, leur collaboration atteignant son zénith avec Africa 70.
Fièvre révolutionnaire
Groupe créé par Fela à la fin des années 1960, en remplacement des Koola Lobitos, Africa 70 va devenir l’emblème de l’afrobeat. Exsudant une intense fièvre révolutionnaire, ce style musical à (très) forte teneur politique se déploie via de longs morceaux, hymnes lancinants traversés de cuivres rutilants et de rythmes ensorcelants. De l’aveu même de Fela, l’afrobeat n’aurait pas existé sans Tony Allen. Batteur et directeur musical d’Africa 70, celui-ci va également enregistrer trois albums à la tête de la formation : Jealousy (1975), Progress (1977) et No Accomodation For Lagos (1979).
https://www.youtube.com/watch?v=f24vhVBb5as
A la fin des années 1970, les relations entre les deux hommes se dégradant progressivement au cours de la décennie, Tony Allen rompt avec Fela et s’en va vers de nouvelles aventures. Embarquant avec lui plusieurs membres d’Africa 70, il crée The Afro Messengers, éphémère nouveau groupe – ainsi baptisé en évident hommage aux Jazz Messengers d’Art Blakey – avec lequel il enregistre l’album No Discrimination (1979) et joue pendant quelque temps.
Forme étincelante
En 1984, il part s’installer à Londres, où il va réaliser Nepa (Never Expect Power Always), très bon album sorti en 1985. Peu après, il migre vers la France, qui va devenir son pays d’adoption. Mettant fin à une éclipse de plusieurs années, il réapparaît en forme étincelante avec Black Voices (1999), superbe album conçu avec le producteur électro français Doctor L. Le disque sort chez Comet, label créé spécialement par Eric Trosset, fan du musicien nigérian et devenu ensuite son manager.
A l’approche de la soixantaine, Tony Allen retrouve alors une seconde jeunesse et va se maintenir à un haut niveau d’activité jusqu’à la fin. Avec une régularité métronomique, il publie de nouveaux albums, parmi lesquels Lagos No Shaking (2006), Secret Agent (2009), Film of Life (2014) et The Source (2017).
A partir de 2006, il officie en outre comme batteur au sein de The Good, the Bad and the Queen, “supergroupe” de rock indé mené par Damon Albarn. Très proches, Tony Allen et Damon Albarn participent également, en compagnie de Flea (Red Hot Chili Peppers), à Rocket Juice & The Moon, autre “supergroupe”, gravitant fort joliment entre funk, hip-hop et afrobeat – voir leur (unique) album homonyme, sorti en 2012.
Jazz chatoyant
Durant les années 2000 et 2010, Tony Allen va explorer encore d’autres sphères, collaborant aussi bien avec Sébastien Tellier (pour l’album et la tournée Politics – dont La Ritournelle – et pour Confections), Charlotte Gainsbourg (sur l’album 5 : 55), Jimi Tenor (pour l’album Inspiration Information 4), Oumou Sangaré (sur l’album Mogoya) ou Jeff Mills (pour l’EP Tomorrow Comes The Harvest).
https://www.youtube.com/watch?v=oSdavt4yrm0
Enregistré avec le jazzman sud-africain Hugh Masakela et sorti il y a quelques semaines, son ultime album, le bien titré Rejoice, délivre un jazz élégant et chatoyant, enrichi de belles ondulations africaines. Une fois encore, Tony Allen y distille un groove à la fois sophistiqué et immédiat, auquel il est impossible de résister.
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