Le Paris Pitchfork festival réinvestissait la Grande Halle de la Villette pour sa sixième édition du 2 au 4 novembre avec une prog’ hyper alléchante faite de découvertes et de formations solides, de rock, de rap et de musiques électroniques. En voici un condensé.
1- Le carton de Run The Jewels
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Deux ans après leur premier passage au Paris Pitchfork festival, le duo de rappeurs américain était de retour, armés de leurs trois albums envisagés comme un voyage en trois étapes : Run The Jewels, Run The Jewels 2 et Run The Jewels 3. Surplombés de ballons dorés formant leur fameux logo (« L’image parle du fait de revenir après avoir été frappé » expliquait son créateur Nick Gazin en 2015), El-P et Killer Mike ont déballé les bangers conscients avec une aisance folle et se sont ainsi assuré le titre de meilleur concert du week-end. Run The Jewels appelle à la révolte, de celle qui semble manquer dans le rap actuel, parfois trop dédié au triplet flow et à la thune, et pas assez au réveil politique. Tout en maintenant son exploration musicale entre le rock, le rap et l’électro. Hyper puissant dans cette grande Halle de la Villette. C.B
Run The Jewels au Pitchfork Music Festival 2017
2- La techno-house de The Black Madonna
Marea Stamper a une personnalité aussi forte que sa house trempée dans l’histoire du clubbing de Chicago, où elle a fait ses armes durant 20 ans. Défenseuse queer et féministe, The Black Madonna découvre les raves à l’âge de 14 ans. Révélation : elle sera dj envers et contre tous, et surtout contre cette Amérique puritaine et conservatrice pour qui une femme dj est à peu près aussi terrible que l’Apocalypse. Fort heureusement, Marea Stamper ne s’est pas laissée démonter et connait enfin son heure de gloire, d’une carte blanche au festival des Nuits Sonores à Lyon en mai dernier, au headline du Pitchfork Festival. Comme son nom l’indique, The Black Madonna a un rapport quasi religieux au djing, avec Chicago comme paroisse, le club comme lieux de culte, et la techno-house comme religion. C.B
A (re)voir : notre interview avec The Black Madonna, Helena Hauff et Marie Davidson.
3- Le duo irlandais Bicep
Les fans de house n’attendaient qu’une chose samedi 4 novembre : enchaîner Bicep et The Black Madonna. Après avoir lâché des tracks à tomber (notamment plusieurs remixes de 808 State), le duo irlandais Bicep composé d’Andrew Ferguson et Matt McBriar a sorti un premier album éponyme chez Ninja Tune début septembre. Un truc mêlant habilement house, disco et downtempo, entre contemplation atmosphérique new-age et furie dancefloor nineties. Complètement paradoxal mais hyper bien dosé, suivant la règle selon laquelle les temps de pause sont autant de respirations mettant en valeur les temps de plein, ou qu’un monologue d’acte deux au théâtre est nécessaire entre l’intro de l’acte un et le climax de l’acte trois.
Le climax de l’album et du live était en l’occurrence Glue, track mélancolique et défoncée à souhait. La scénographie, elle, fut sobre et très rave avec leur logo en forme de triskel coloré se mouvant en mode hallucinogène sur un écran. Rappelons qu’avant de former ce duo, les deux producteurs assouvissaient leur passion du crate-digging sur le blog Feel My Bicep sur lequel ils postaient pas loin de 100 morceaux/semaine. Le blog est toujours ouvert et on vous conseille d’y faire un tour. C.B
4- La déception Princess Nokia
Soutenir une artiste et la voir se planter en live est toujours décevant. Surtout quand on la déjà vu en concert et qu’on l’avait trouvée très bien. Ce ne fut donc pas le cas samedi 4 novembre. Princess Nokia avait décidé, comme nombre de rappeurs, de chanter/rapper par-dessus une backing track. Or, la backing track en question était trop forte, et couvrait complètement sa voix . Résultat : la rappeuse new-yorkaise semblait nous servir un playback raté, entre un joint et quelques grognements destinés à nous chauffer. Espérons que cela ne soit qu’un mauvais one-shot. C.B
Princess Nokia au Pitchfork Music Festival 2017
5- Le show dans le public de Tommy Genesis
Juin 2016, Tommy Genesis fait sauter une foule à basket dans les décombres de feu le Social Club, avant de venir braquer le Café de la Presse quelques mois plus tard dans le cadre du Pitchfork Avant-garde. Comme un poisson dans l’eau, la kid de Vancouver bénéficie alors d’une hype qui, dans le sillage de celle qui conduira sa pote Abra à être idéalement programmée avant le show de M.I.A, au Pitchfork 2016, devait inévitablement lui permettre de suivre le même genre de trajectoire. Cette année, sur la scène de la Grande Halle de la Villette cette fois, Tommy a commencé son show par la fin, se faufilant comme un chat dans la petite foule ramassée devant la scène et lançant des regards magnétiques au public. Malgré quelques phases un peu gênantes (track arrêtées de façon abrupte, entre autres choses), T.G. s’en tire à coups de fulgurances en français, quelques headbanging post-metal et surtout un sens du show qui la poussera à caler un énorme couplet a-capella qui lui vaudra une grosse ovation. Une belle mise en danger qui nous fait un peu regretter l’époque des sales moites et confinées. FM
6- Les délires de l’iconoclaste Jacques
Pendant que Loyle Carner déroule un show bouillant, se monte à l’autre bout de la Grande Halle un dispositif scénique improbable. Des dizaines de drapeaux nationaux flottant légèrement au rythme de quelques courants d’air égarés, donne ainsi à l’événement des allures de conférence de l’O.N.U. Ce bon vieux Jacques, perché au sommet d’une échelle et parapluie ouvert pour éviter les quelques gouttes jetées sur lui par un assistant loufoque, s’en expliquera : « Ce sont les drapeaux de tous les pays où je suis allé. J’en ai de la chance ! Je vous souhaite vous aussi de pouvoir partir loin. » Une invitation au voyage dans la droite lignée d’un show au rétro-futurisme enchanteur, qui fait de Jacques (on le savait déjà) l’un de nos plus iconoclastes créateurs d’univers. Le mec ne chante peut-être pas très bien et ses quelques mises en scène le font passer parfois pour Gustave Parking, mais la satisfaction est grande de pouvoir s’enthousiasmer sur cette musique électronique faite de bruits transformés, bouclés et sublimés. Trop cool. FM
7- La grosse claque Actress
Ce n’est pas qu’on voulait rater Jungle, c’est juste qu’on a été pris dans le flow qui nous a mené au Trabendo, ce vendredi soir (ou samedi matin c’est selon), où se déroule comme chaque année les excellentes after-parties du festival Pitchfork. Pendant que Greg Gonzalez et toute la clique de Cigarettes After Sex boivent des coups sur la terrasse et que Kamasi Washington vient de débarquer après un show jazz de dingue, on retrouve Cologne Tape et John Stanier (batteur de Battles, aperçu aux côtés de Rone jeudi soir) dans une salle qui commence à peine à se remplir. Il faudra attendre l’arrivée de Darren Cunningham (Actress), planqué derrière un mannequin métallique aux reflets d’argent, pour que le public du Trab s’enflamme enfin, porté par le son hybride d’un live au mitan des lignes de basse d’un Larry Heard et de la lourdeur synthétique de la techno la plus flippante. Une claque. FM
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