Dans une interview accordée au journal Le Monde, Agnès Varda est revenue sur l’affaire Weinstein, sur la polémique Polanski liée à la Cinémathèque française et sur son désamour pour « Orange Mécanique » de Stanley Kubrick.
Samedi 11 novembre, c’est lors des Governors Awards qui se déroulent à Los Angeles qu’Agnès Varda reçoit un oscar d’honneur, venant ainsi couronner sa riche et passionnante carrière. A cette occasion, le journal Le Monde s’est entretenu avec la cinéaste et en a profité pour l’interroger sur l’affaire Weinstein et plus largement sur le féminisme, dont elle se revendique.
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Une nature révoltée et radicale
Au sujet du magnat d’Hollywood, Agnès Varda dit ne l’avoir jamais rencontré mais affirme que ses agissement étaient connus de tous. Quand on la questionne sur sa propre expérience, la cinéaste déclare ne jamais avoir subi ce genre d’agressions mais constate un rapport femme/homme toujours profondément inégalitaire aujourd’hui :
« Dans les rapports sexués, l’humiliation est toujours du côté des femmes. Ça ne changera que si on fait bouger les opinions des hommes. On peut crier mais il faut convaincre, cela commence par l’éducation, l’école, les mères… Je suis d’une nature révoltée et radicale. Sans cela, il n’y a guère de salut. »
Son apprentissage du féminisme, Varda le façonnera aux États-Unis et plus particulièrement quand elle décide, avec son compagnon Jacques Demy, de s’installer à Los Angles. C’est en plein Flower Power, dans une époque où apparaissent les women studies, que Varda réalisera son utopie amoureuse Lions Love (… and Lies) (1970) et que Demy tournera Model Shop (1969). Cependant ce climat libérateur n’empêchera pas les abus : « Les directeurs des studios portaient des colliers peace and love. Mais, comme tous les gens de pouvoir, ils abusaient des jeunes personnes. » A ce sujet elle constate la forme de « normalité » de ces agressions en rappelant que la réaction de Tarantino au sujet du Weinstein Gate (il a avoué être au courant de tout) n’est autre que le reflet de cette complicité qui règne dans ce genre de milieu.
Le cas Polanski : « est-on là pour juger les autres?«
Après l’affaire Weinstein c’est naturellement que la discussion dévie sur la rétrospective de Roman Polanski à la Cinémathèque française et les vives réactions de plusieurs associations féministes. A ce sujet, Varda distingue clairement l’homme de l’artiste. Une raison pour laquelle elle a refusé de signer la pétition pour l’annulation de l’événement. Si elle reconnaît que la concomitance entre la rétro Polanski et celle de Jean-Claude Brisseau (initialement programmée pour janvier puis finalement repoussée) est maladroite, elle affirme : « La mission de la Cinémathèque est de faire connaître le cinéma, il faut s’en tenir à ça, mais il est vrai que c’est un cas difficile (…) Le problème, c’est : est-on là pour juger les autres ? »
Enfin, elle conclut l’entretien en se remémorant sa première vision d‘Orange Mécanique de Stanley Kubrick, alors qu’elle est accompagnée de Jacques Demy et de Catherine Deneuve. Au bout d’une poignée de minutes, le groupe quitte la salle. Si l’œuvre de Kubrick est aujourd’hui considérée comme un objet culte d’une folle modernité par certains ou comme un film abject pour d’autres, Varda, elle, se range plutôt dans la deuxième catégorie : « Moi, je n’arrive même pas à le considérer comme un spectacle qui m’intéresse. Avec mon cinéma, je n’offense pas les femmes. Je sais que je ne vais pas les découper en petits morceaux de peau désirable. »
Pour retrouver l’intégralité de l’entretien d’Agnès Varda par Le Monde c’est ici.
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