La chaussure de rando sera bientôt aussi cool que la sneaker griffée. C’est ce que semble promettre la tendance outdoor repérée lors du récent Pitti Uomo, salon de mode masculine à Florence.
Deux mannequins sont plantés sous une pluie battante, tombant d’une structure carrée posée au centre d’une pièce plongée dans le noir. La musique commence, les mannequins se révèlent danseurs : ils enchaînent sous les trombes d’eau des mouvements de breakdance – ainsi que le désormais célèbre mouvement du “backpack kid” –, protégés par leurs anoraks légers et pantalons façon treillis.
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Derrière eux, le défilé commence : une armée de mannequins – hommes et femmes – portant des tenues d’inspiration sportswear, agrémentées d’une sélection de bananes, sacs à dos et vêtements techniques. Le flot du défilé s’apaise un instant : les coulisses s’ouvrent, un jeune homme débarque en tyrolienne, dégrafe la sangle intégrée à son sac à dos et se pose délicatement sur la piste.
Ce premier défilé de la marque allemande MCM, présenté au salon de la mode masculine Pitti Uomo à Florence, en Italie, est le signe d’un flirt de plus en plus soutenu entre la mode et l’outdoor – comprendre, les tenues et accessoires techniques pour les sports et activités en plein air.
Des produits imaginés pour séduire un nouveau type de consommateur
Impulsée depuis le Japon, découlant d’abord de l’adoption de pièces workwear dans la garde-robe du quotidien, la démocratisation du style outdoor a été officialisée par le grand retour de la doudoune, en version poids plume chez Uniqlo ou XXL chez Balenciaga.
Les marques de luxe se tournent vers des équipementiers et maisons dites “heritage” pour imaginer des produits qui séduiraient un nouveau type de consommateurs, désireux de renouer avec la nature et le concret. Sur le site de streetwear pointu Highsnobiety, on trouve, aux côtés d’annonces des derniers modèles de baskets Adidas, un article sur une nouvelle marque de tentes.
New Balance lance aussi sa collection Outdoor, agrémentant sa gamme classique de sneakers qui ressemblent de plus en plus à des chaussures de rando. La marque Margaret Howell dessine des imperméables pour la maison britannique Barbour, tandis que les cool kids qui shoppent chez Opening Ceremony pourront y trouver la collaboration de la boutique avec l’équipementier Columbia, fabricant des doudounes oversize de nos années collège. La mode a clairement des envies de grand air.
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De multiples sacs à dos et une sandale de marche classique
“Le nouveau consommateur recherche de la performance et de la fonctionnalité dans ses vêtements”, estime Christopher Raeburn, créateur de mode britannique. Il fait partie de la trentaine de marques présentes dans l’espace “I Go Out” du Pitti Uomo, dédié aux vêtements et accessoires d’extérieur.
C’est la première fois dans l’histoire du salon que la chaussure de randonnée est traitée comme un objet lifestyle à part entière, décliné en fonction des tendances : un stand délirant de l’espace jeunes créateurs propose des chaussures de montagne décorées de motifs et strass, sorte de version Desigual de la chaussure de marche Decathlon.
Du côté de “I Go Out”, les propositions sont plus sobres : on y croise la classique sandale de marche Teva, de multiples sacs à dos, la ligne Outdoor de la marque de vêtements premium Woolrich ou les créations de Christopher Raeburn, qui explique cet upgrade du vêtement technique, passé du vestiaire sportif pur aux podiums des défilés, d’abord pour une raison pratique.
“La réalité du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est qu’on a besoin d’une large gamme de vêtements en raison du temps toujours changeant, sourit le designer. A Londres, il neigeait encore en avril !” Face à ce besoin d’adaptabilité, la marque Christopher Raeburn – qui ne propose que des pièces fabriquées à partir de matières recyclées ou bio – imagine des silhouettes légères faites de matières techniques, des couches de vêtements que l’on peut retirer ou superposer en fonction des aléas de la météo.
Une réaction au tout-digital
Plus largement, le créateur estime que cette coolisation du vêtement d’extérieur provient d’une réaction au tout-digital : “Les gens veulent sortir, profiter de la nature, et peut-être se challenger un peu. Il y a un vrai optimisme dans la montée de la tendance outdoor : elle invite les gens à véritablement profiter des vêtements qu’ils choisissent de porter, de les éprouver au cours d’activités qui ont un effet positif sur leur vie.”
Les plus grands fans de cette esthétique outdoor ? Les 30-50 ans, selon le directeur du Pitti Uomo, Raffaello Napoleone : “Ils recherchent le confort, la fonctionnalité, se focalisant sur la poursuite d’une certaine qualité de vie et de bien-être au quotidien, tout en respectant la planète.”
Le vêtement sort de l’esthétique simple pour devenir porteur de symboles : en enfilant un pantalon en coton respirant à poches multiples, en glissant son ordinateur portable dans un sac à dos de voyage, le consommateur se tient prêt à toutes sortes de périples, que ce soit un trek dans les Pyrénées ou un trajet sur la ligne 13.
La chaussure de randonnée, bientôt plus pointue que le dernier modèle Nike ? Une évolution qui tient au changement de positionnement des marques outdoor : ayant conquis leur public “pur” (les vrais fans de trekking ou d’escalade), celles-ci partent à la conquête de clients plus soucieux de l’esthétique du produit que de sa fonction première.
Des bobos en quête de produits “authentiques”
Basée à Portland, dans l’Oregon, la marque de chaussures Danner vise une distribution plus large de ses bottes solides, qui en ont fait une marque de référence pour le travail en usine et les uniformes militaires. Mais son nouvel objectif est tout à fait autre.
“On aimerait être présent dans les boutiques lifestyle”, explique un porte-parole de la marque rencontré au Pitti Uomo, qui annonce que les chaussures Danner seront bientôt distribuées chez Merci, à Paris, vrai repaire pour bobos en quête de produits “authentiques” (verres Duralex, couteaux Opinel, draps en lin made in France, bleus de travail vintage).
“On ne se tourne plus seulement vers les boutiques d’outdoor, car elles ne comprennent pas ce nouveau client plus mode, elles sont toujours tournées vers la fonctionnalité. Ce qu’on cherche, c’est devenir un véritable produit lifestyle.”
Un lifestyle dédié à une certaine catégorie de consommateurs : une chaussure 100 % made in USA, à la semelle creusée spécifiquement pour bien accrocher au terrain et au revêtement imperméable, peut grimper jusqu’à 450 euros. De quoi avoir le vertige sans même partir en escalade.
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