Quand les séries US capturent l’air du temps.
Les Américains, empruntant à la philosophie allemande, appellent cela zeitgeist, “l’esprit du temps”. La dénonciation des violences faites aux femmes et de l’oppression masculine est une lame de fond que les séries prennent en charge avec un timing impressionnant, doublé d’un sens de la hauteur. Il y a peu, deux envolées féministes notoires marquaient le printemps. Il y a eu l’exaltante I Love Dick de Jill Soloway, avec son exploration agit-prop du désir et du regard des héroïnes devenues sujets de la fiction. Puis l’incroyable allégorie inspirée de La Servante écarlate de Margaret Atwood – The Handmaid’s Tale, avec Elisabeth Moss.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Dans un univers dystopique où une catastrophe écologique a fait plonger le taux de natalité et donné naissance à une “république” fasciste, la série écrite par Bruce Miller (et réalisée notamment par Reed Morano) met en scène un monde où la réduction des “servantes” à la fonction reproductrice, leur viol systématique mais aussi leur désir de liberté s’accompagnent de la création d’une esthétique de l’étouffement. La série avance avec la certitude de lever le voile sur une réalité trop longtemps occultée. The Handmaid’s Tale a parfois les défauts de ses qualités, mais garde une puissance figurative implacable.
https://www.youtube.com/watch?v=PJTonrzXTJs
Travailler les questions politiques
Basée elle aussi sur un roman de Margaret Atwood, Captive (Alias Grace, en VO) montre que, sur un matériau proche, un monde d’écart peut exister. Scénarisée par Sarah Polley, cette minisérie en six épisodes raconte la vie de Grace Marks, une jeune femme accusée de deux meurtres et suivie par un jeune psy – même si cela n’existe pas vraiment en 1843… Si les thèmes sont les mêmes – la sororité comme mode de survie –, quelque chose manque.
Très collée au texte, classique dans sa manière de montrer une époque et construite en flash-backs, Captive ne place que rarement le corps de son personnage au centre du jeu, comme si elle oubliait de filmer le sujet dont elle prétend s’emparer. La leçon est ancienne mais vaut encore aujourd’hui : travailler une question politique nécessite moins du discours que l’élaboration d’une forme. La deuxième saison de The Handmaid’s Tale, en 2018, devrait à nouveau le démontrer.
{"type":"Banniere-Basse"}