Alors que sort la réédition de Final Fantasy VII, deux livres tentent de disséquer le jeu vidéo au succès hors normes qui imposa à l’Occident une nouvelle façon de jouer.
“Quand un personnage meurt dans un jeu vidéo, ce n’est pas très grave. Ce ne sont que des personnages de jeu, après tout. Il est toujours possible de recommencer ou de les ressusciter à l’aide d’un objet. Leurs vies semblent dérisoires. Mais Final Fantasy VII est un jeu sur la vie, et je me suis dit qu’il serait intéressant de faire mourir l’un d’eux pour de bon, se souvient Tetsuya Nomura, responsable des personnages du jeu Final Fantasy VII. Et pour que cela ait un réel impact, il fallait que ce soit un personnage important.”
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https://www.youtube.com/watch?v=L-xvMsEw3LE
Le jeu du basculement
Le sujet en question était une jeune marchande de fleurs baptisée Aeris et, vingt-deux ans plus tard, la scène de sa mort est toujours l’une des plus déchirantes de l’histoire du jeu vidéo. L’une des plus inattendues aussi, pour ceux qui l’ont découverte à l’époque, quand Final Fantasy VII n’était encore que le dernier représentant en date d’un genre “exotique” sur le point de percer enfin en Occident dans le sillage de la première PlayStation : le jeu (vidéo) de rôle tel qu’on le conçoit au Japon, alors fraîchement converti à la 3D et lorgnant plus que jamais sur le cinéma.
Sur bien des plans, FF VII fut le jeu du basculement – technologique, esthétique, économique, presque géopolitique à l’échelle du jeu vidéo. C’est l’ampleur de ces bouleversements que dessine, par petites touches et en multipliant les points de vue, le journaliste américain Matt Leone dans Les Mémoires de Final Fantasy VII – Confessions des créateurs, livre nourri de nombreux entretiens qui vient d’être traduit en français.
Leone n’est ni dans l’analyse du jeu – déjà longuement menée par ailleurs – ni dans l’idolâtrie, mais plutôt, en adoptant la forme du montage de citations, dans une méticuleuse tentative d’encerclement de cet événement déterminant que fut le succès hors normes, à la fin des années 1990, d’un mélodrame de science-fiction écolo du nom de Final Fantasy VII.
Sa puissance figurative transperce le temps
Le hasard (ou les stratégies d’édition) faisant bien les choses, ledit FF VII s’offre au même moment un nouveau tour de piste avec son arrivée – quasi contre nature pour un jeu historiquement indissociable des consoles Sony – sur les dernières machines de Microsoft et Nintendo. L’avis majoritaire semble être que le jeu a vieilli.
C’est vrai, mais peut-être pas de la manière où on l’entend habituellement : plutôt comme on le dirait d’un film muet. Par l’expressivité de ses visages et les trajectoires des corps à travers ses décors fixes, Final Fantasy VII a d’ailleurs quelque chose du cinéma des origines.
Tout se passe comme si, entre lui et nous, il n’y avait pas vingt-deux ans mais cent, et ce fossé le rend d’autant plus fascinant. Si son “langage” a quelque chose de primitif, sa puissance figurative transperce le temps.
Une vaste politique de rééditions
Loin de débarquer en solitaire, FF VII s’inscrit dans une vaste politique de rééditions menée par Square Enix et visant notamment la très populaire Switch de Nintendo qui, en deux mois et demi, a accueilli pas moins de cinq Final Fantasy : le VII, donc, mais aussi le merveilleux IX (2000), le flamboyant X (2001) associé à sa très pop suite directe numérotée X-2 (2003) et le majestueux épisode XII (2006), jouable pour la première fois sur une console portable.
Ainsi réuni, le quintette se complète admirablement et, malgré tout ce qui sépare ses membres (univers, héros, identité des auteurs…), fait œuvre. Une œuvre multiforme et changeante, lumineuse et stimulante, avec ses virages abrupts et ses bonds en avant.
“Mon but a toujours été de faire ressentir au joueur l’ambiance de l’endroit où il se trouve, le vent qui souffle, l’atmosphère générale qui y règne”, assure l’artiste Kazuko Shibuya dans FF Pixel – L’Art de Final Fantasy, un autre (beau) livre sur ce jeu à paraître en juin.
C’est la première époque de la série qui y est à l’honneur, celle des volets I à VI et des sprites triomphants, ces éléments graphiques en 2D qui s’étalent ici sur près de 300 pages. Comme pour enfoncer le clou sur cette continuité de l’œuvre, la graphiste en a aussi inventé pour les épisodes suivants qui, produits en 3D, s’en étaient toujours passés.
Le résultat se révèle aussi mignon que troublant. On a tout de suite cherché Aeris, évidemment.
Final Fantasy VII, IX, X, X-2 et XII (Square Enix), sur Switch et Xbox One, de 16 à 50 € par jeu
Les Mémoires de Final Fantasy VII – Confessions des créateurs de Matt Leone (Third Editions), 240 p., 29,90 €.
FF Pixel – L’Art de Final Fantasy (Kurokawa), 296 p., 29,90 €, à paraître le 13 juin
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