Invitée par le commissaire Cliff Lauson, la jeune Noémie Goudal expose ses architectures sublimes au Bal.
Le spectateur est invité à s’approcher à deux centimètres d’une arête où se rejoignent deux miroirs. Study on Perspective II est un dispositif optique qui reproduit celui du stéréoscope : deux photographies (ici des reliefs rocheux) presque identiques, situées face à face, composent une seule image en trois dimensions. Noémie Goudal, diplômée du Royal College of Art, renoue avec la tradition humaniste des artistes du Quattrocento.
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Leurs expérimentations ont abouti aux modes d’observation et de reproduction fondateurs de la culture occidentale. Face au miroir de Study on Perspective II, on songe à l’invention de la perspective par Alberti et Brunelleschi, ou encore à celle du perspectographe de Dürer. Des systèmes perceptifs qui amènent à voir autant avec l’esprit qu’avec les yeux. Car c’est bien l’enjeu de l’œuvre de Noémie Goudal que de confronter perception et observation.
Nos rétines se mettent en branle, notre cerveau fait des connexions
Suivant son conseil, on commence l’exposition par le sous-sol occupé par les Observatoires et deux très grands formats, In Search of the First Line. Nos rétines se mettent en branle, notre cerveau fait des connexions. On tente de distinguer le réel de la fiction et l’on reconstitue la fabrique de l’image.
Ces architectures photographiées sont faites main : l’artiste assemble des fragments d’architecture, imprime et colle le tout sur une structure qu’elle installe dans un nouvel espace, le temps de la prise de vue. On dispose d’indices : les feuilles imprimées se devinent, le Scotch se décolle, le papier se corne. On épluche ainsi les strates de l’image.
Dimension magique du ciel
Les Observatoires fictifs de Noémie Goudal s’inspirent des architectures géomorphiques – des constructions faites pour s’intégrer à la nature ou se rapprocher des astres. S’y glisse, nous dit-elle, l’église de Neviges en Allemagne, dont les formes imitent la roche. Les escaliers de l’Observatoire VI font le pont entre la terre et le ciel.
L’artiste a étudié la voûte céleste, le ciel d’avant Galilée qu’elle représente dans la série des Stations : la dimension magique du ciel faisait alors de lui le “miroir des dérèglements terrestres et la manifestation du sacré”. L’exposition annonce l’existence d’un cinquième corps. Les Observatoires semblent exister sur le même mode que le mont Analogue du roman de René Daumal, un mont qui ne peut être vu que sous un certain angle, une “voie unissant la terre au ciel”. Mathilde Urfalino
Cinquième corps jusqu’au 8 mai, Le Bal, Paris XVIIe, le-bal.fr
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