Le photographe Malick Sidibé s’est éteint le 14 avril dernier à l’âge de 80 ans, alors que son acolyte Seydou Keïta (1921-2001) est célébré au Grand Palais. Portrait croisé et en images de deux monstres de la photographie malienne.
Les gens de Bamako sont joyeux et beaux derrière l’objectif de Malick Sidibé et de Seydou Keïta. A eux deux, ils ont portraituré la modernité et l’indépendance du Mali en 1960. Leurs œuvres font écho jusque dans l’actualité. Celle de Malick Sidibé est exposée jusqu’au 23 avril à la galerie new-yorkaise Jack Shainman, celle de Seydou Keïta (1921-2001) fait l’objet d’une rétrospective au Grand Palais jusqu’au 11 juillet, sous la direction d’Yves Aupetitallot, en collaboration avec Elisabeth Whitelaw, la directrice de la Contemporary African Art Collection (CAAC). Trésors nationaux au Mali, ils sont découverts par le milieu de l’art occidental, notamment par le galeriste André Magnin, dans les années 1990.
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Il faut imaginer les longues files d’attente devant les studios de ces deux photographes de la vie moderne. Seydou Keita fera plus 500 000 prises de vues – dont près de 300 sont exposées au Grand Palais – entre 1949 et 1962, l’année où il ferme son studio et devient le photographe officiel du gouvernement de Modibo Keïta. Malick Sidibé ouvrira le Studio Malick en 1958 et se fera connaître à Bamako pour ses photos des soirées nightclubs de la jeunesse yéyé et, plus récemment, pour ses portraits « Vue de dos » à la sensualité discrète.
Inventeurs de nouveaux codes
Deux studios, deux ambiances. « Seydou [Keïta], c’était la grande classe des fonctionnaires, avec des hommes richement habillés qui couvraient leurs dames de chaînes en or. Moi, c’était la classe moyenne; on pouvait même poser avec un mouton », avait décrit Malick Sidibé. Le tout Bamako se rencontre pour se faire joyeusement tirer le portrait. Seydou Keïta et Malick Sidibé inventent de nouveaux codes : des accessoires qui témoignent d’une aspiration à la modernité; des déhanchés et des gestes qui relèvent du cinéma américain; des femmes en odalisque; des tissus aux motifs floraux traditionnels. On est loin des stéréotypes de la représentation ethnographique de l’homme africain comme « espèce indigène » (pose frontale et décor de faune et flore). Cette fois, le commanditaire est aussi le sujet. La dimension fictive, amenée par les accessoires et les poses prescrites par le photographe, témoigne à l’évidence de la manière dont les gens de Bamako voulaient être perçus par leurs familles, leur(s) époux, leurs amis ou leurs voisins. On lit quelques expressions austères et des sourires malicieux dictés par la timidité ou la fierté à se faire photographier, et surtout le désir et la satisfaction d’être moderne et beau.
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