En fustigeant la “mode islamique”, la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, a fait ressurgir l’éternel débat sur le voile, qui ne cesse de diviser les féministes.
Mode “irresponsable”
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C’est cette image, datée de septembre 2015, qui a valu à H & M d’être taxée d’“irresponsable” par Laurence Rossignol le 30 mars sur RMC à cause du fameux hijab recouvrant sa chevelure. Ont été galement épinglées Marks & Spencer, Dolce & Gabbana, Uniqlo, coupables de “faire la promotion de l’enfermement du corps des femmes” en commercialisant hijabs et burkinis (maillot de bain intégral) et/ou en mettant en scène des mannequins voilés.
Le 2 avril, la féministe universaliste Elisabeth Badinter appelait au boycott de ces enseignes, omettant de préciser son statut d’actionnaire majoritaire de Publicis, notamment en charge de la com de l’Arabie saoudite.
Servitude volontaire
Pour étayer son propos, Laurence Rossignol a eu la très mauvaise idée de faire appel au concept de “servitude volontaire” : “Il y a des femmes qui choisissent, il y avait aussi des nègres américains qui étaient pour l’esclavage.” Si la ministre s’est excusée de l’emploi du mot “nègre”, elle n’a pas remis en question la pertinence de la comparaison.
Or partir du principe que toutes les femmes voilées le sont sous la contrainte a un double effet pervers : celui de ne laisser aucun libre arbitre aux femmes musulmanes, et celui d’ériger les femmes non voilées en détentrices d’une vérité une et indivisible. Un argument qui rejoint le mécanisme de victimisation des femmes : trop faibles (intellectuellement, physiquement), elles ne se rendraient plus compte de leur propre asservissement et auraient besoin d’être secourues.
Un tissu social et politique
Cacher sa chevelure sous un voile est-il sexiste ? Peut-on être féministe et voilée ? “Le symbole de l’émancipation des femmes c’est le choix !, nous assure la militante postcoloniale Rokhaya Diallo. Le seul critère qui doit nous permettre de la mesurer, c’est la faculté de chaque femme de se couvrir ou de se dévêtir sans que cela la prive des outils de son émancipation : éducation, travail, biens…”
Certaines adoubent talons hauts et minijupes – qui peuvent participer d’une vision stéréotypée de “la femme”, pourquoi d’autres ne pourraient-elles pas se voiler ? Pour la féministe Caroline De Haas, il faut “respecter l’individu et ses choix, tout en questionnant les mécanismes politiques, sociaux, religieux à l’œuvre derrière eux”. Un beau programme.
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