Une bienveillante aide maternelle à domicile remet sur pied une mère de famille essorée. Par le cinéaste qui a tourné Juno.
Avoir un enfant trop tôt, avec un père pas à la hauteur (Juno) ; n’avoir ni enfant ni conjoint, mais une aigreur au firmament (Young Adult) ; ou avoir deux enfants, bientôt trois, un mari ni pire ni meilleur qu’un autre, et une grosse fatigue subséquente (Tully) : pour la troisième fois, la paire Diablo Cody (au scénario) et Jason Reitman (à la réalisation) explore la question, visiblement juteuse, des combinaisons maternelles et matrimoniales offertes à l’Américaine contemporaine – en attendant la suite, peut-être sur la fécondation in vitro d’une femme trop âgée ? Et bonne nouvelle : sans être parfaite, cette déclinaison est sans peine la meilleure des trois.
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Tully, c’est le prénom d’une aide maternelle à domicile, qui ne vient qu’à la nuit tombée et repart au petit matin, permettant aux parents épuisés – enfin, à la mère, le père n’en foutant pas une – de reprendre des forces. Interprétée par la magnétique Mackenzie Davis (Halt and Catch Fire, Blade Runner 2049), la jeune femme déboule dans la vie rouillée de Marlo (Charlize Theron, infiniment plus subtile que dans Young Adult, mais toujours accro aux transformations physiques aussi voyantes que possible) et transforme soudain le film en remake de Mary Poppins. Ou peut-être, d’une manière plus originale, en film jumeau de La Belle et la Belle, le dernier film de Sophie Fillières, qui se penchait lui aussi, avec son binôme à deux âges de la vie, sur ce que signifie réussir ou rater celle-ci.
En effet, passé un premier acte assez enlevé mais désespérément mécanique, comme Jason Reitman en pond à la chaîne depuis ses débuts (Juno, derrière sa bonhommie apparente, n’était au fond que ça), le film examine les choix de vie qui ont conduit sa quadra à l’éreintement, et quelque chose enfin se passe. Quelque chose qui fait sortir de ses gonds le cinéma d’habitude si verrouillé, si grinçant, du réalisateur d’In the Air. Le duo étincelant d’actrices n’y est pas pour rien, mais plus généralement, Reitman regarde pour une fois son petit monde avec tendresse, et ne cherche pas à faire le malin sur le dos de ses personnages.
Hélas, alors que le film aurait pu, et aurait dû, s’achever sur sa séquence d’hôpital, qui en aurait fait une sorte de parfait petit Fight Club au féminin, le cinéaste ne peut s’empêcher de lui ajouter une épaisse coda moralisatrice – à moins que ce ne soit Cody ? –, noyant sa charge corrosive sous les tremolos d’un mari et d’un fils repentis, ramenant tout cela à une bête histoire de corvée partagée. Comme un gros plouf dans un évier plein de vaisselle.
Tully de Jason Reitman (E.-U., 2018, 1 h 36)
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